L’écologie était déjà l’ennemie bien connue de la modernité, chacun se rappelle de la formule toute en délicatesse qui postulait « le nucléaire ou la bougie ». Avec la violence de la crise, l’écologie est en passe de devenir l’autre ennemi de l’emploi. L’autre car, il ne faut pas rigoler, le principal adversaire du salarié demeure le salaire minimum, le code du travail, l’impôt sur les sociétés et la protection sociale. Avec la fronde contre l’écotaxe, de nombreuses déclarations ont pointé qu’avec le niveau du chômage en France, il n’était guère possible de s’embarrasser de considérations écologiques. Ségolène Royal a récemment apporté son soutien aux Bonnets rouges, « révolte citoyenne » avant de se rétracter quelque peu. À cette occasion, elle a brocardé l’écotaxe qu’elle avait pourtant soutenue jusque-là. Mais au-delà de cette polémique, c’est l’argumentation utilisée qui doit être retenue : l’emploi doit être la seule préoccupation des différents gouvernants.
La difficile articulation entre des questions environnementales et la simple survie de populations entières est une question délicate dans bien des pays du Sud. Le dumping écologique entre pays ayant des normes contraignantes et d’autres pouvant s’affranchir de toute législation sur ce sujet est une réalité qui a des conséquences sur l’emploi dans le cadre d’un marché mondial globalisé. Faut-il pour autant réautoriser l’industrie chimique à rejeter comme elle l’entend divers produits dans les fleuves et rivières ? À l’évidence non. Pourtant la petite musique qui consiste à baisser la garde sur ces questions devant le défi majeur du chômage se propage en France de manière croissante. Emploi et écologie, en apparence au moins, ne relèvent pas de la même temporalité. Les problèmes liés à la question du réchauffement climatique apparaissent lointains et diffus, quand la fermeture d’une usine ou la crise d’un secteur industriel poussent à des solutions immédiates.
Face à la gronde toujours redoutée des pêcheurs, on sait le gouvernement embarrassé par la question des quotas de pêche. Mais le dossier breton prend des proportions hallucinantes et passe à côté de l’essentiel, la remise à plat d’un modèle productiviste à bout de souffle. Avec « Le pacte d’avenir pour la Bretagne », lancé par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, pour tenter de trouver des solutions à la crise économique et sociale que traverse la Bretagne, le gouvernement poursuit une politique de gribouille à la petite semaine. Ce pacte consacre à la région une enveloppe de 2 milliards d’euros, dont près de 1 milliard pour un plan en faveur du secteur agroalimentaire, en pleine crise. L’agriculture et les industries agroalimentaires bretonnes, notamment la filière porcine et avicole, se sont pourtant développées sur la base de production de masse de produits peu valorisés, destinés en partie à l’’exportation. Cette production est aujourd’hui fortement concurrencée par les pays émergents ou par des pays de l’’Union européenne qui, comme l’Allemagne ou le Danemark, pratiquent un dumping social en employant massivement des salariés d’’Europe centrale et orientale sous-payés en utilisant les failles de la directive européenne sur le détachement des travailleurs. Loin d’essayer de pérenniser un modèle désastreux, la solution consiste à mettre en oeuvre un plan de reconversion de l’’industrie agroalimentaire bretonne. Celui-ci devrait être basé sur un élevage et une agriculture plus respectueuse de l’environnement et des hommes, pour des produits de meilleure qualité, la relocalisation de la transformation, la fin de la concentration des outils de travail et une juste rémunération du travail salarié et paysan.
Le mal nommé « pacte d’avenir » du gouvernement n’en a donc aucun. Il s’affranchit de tous les problèmes écologiques et n’apporte aucune solution économique. Simple manoeuvre dilatoire pour obtenir un répit politique, il démontre une nouvelle fois l’incapacité de ce gouvernement à sortir des sentiers battus et à se tourner vers l’avenir.