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Alternatives & Révolutions
17 mai 2016

PRIMAIRE." PLUS A DROITE QUE MOI, TU MEURS ! "

 

Primaire. « Plus à droite que moi, tu meurs ! »

 

 

CÉDRIC CLÉRIN
JEUDI, 12 MAI, 2016
HUMANITÉ DIMANCHE
AFP

Depuis des mois, les candidats – de plus en plus nombreux – à la primaire de la droite sont lancés dans une surenchère des propositions les plus à droite et les plus libérales. Une compétition de l’absurde qui doit autant à la logique de la primaire qu’aux renoncements du gouvernement actuel.

Même François Bayrou, le dit : « Quand je le vois se dérouler (le mécanisme de la primaire à droite – NDLR), je ne suis pas rassuré, parce qu’on assiste à une course à la surenchère. » Depuis des mois, les candidats à la magistrature suprême se livrent en effet à un concours Lépine de l’idée la plus à droite. La dernière en date, c’est Bruno Le Maire, aujourd’hui principal outsider face aux deux favoris Juppé et Sarkozy, qui l’a émise : que les départements soient « le guichet unique de la gestion des aides sociales en France », et ainsi donner aux collectivités le pouvoir d’accéder aux comptes bancaires des titulaires du revenu de solidarité active (RSA) pour contrôler l’utilisation de cette allocation. Une proposition que « le candidat du renouveau » n’hésite pas à faire en pleine affaire des Panamas papers impliquant des milliers de fraudeurs fiscaux. Bruno « le renouveau » pousse en fait ainsi au bout une vieille rengaine de la droite sur l’assistanat. « Une société juste, c’est l’assurance de vivre mieux de son travail que celui qui a décidé de vivre des allocations chômage et de la générosité française », affirme-t-il. On sait pourtant, depuis de longues années, qu’il y a un différentiel de 500 euros au minimum entre revenus du travail et allocations, quel que soit le cas de figure (célibataire ou couple). Pour faire passer la pilule, le candidat enrobe cependant ses propositions chocs dans un discours rassurant, comme : « Il ne faut pas brutaliser la société française. » Le débat à droite est donc ainsi construit : peu d’idées neuves, mais les vieilles lunes droitières sur lesquelles chacun des prétendants tente de se démarquer, chacun dans sa spécialité.

Casse sociale généralisée

Si la droite à longtemps cherché le moyen de contourner les 35 heures sans avoir l’air de les supprimer, l’heure n’est plus à faire dans le détail. Bruno Le Maire en appelle à la négociation dans les entreprises pour augmenter le temps de travail. Alain Juppé y ajoute un dispositif qui favorise le patronat, conduisant inévitablement au rétablissement des 39 heures. Jean-François Copé, pour sa part, veut imposer les 39 heures directement et Nadine Morano, les 40 ! François Fillon remporte cependant la palme avec rien de moins que « la fin de la durée légale du travail » !

Bien dans l’air du temps, le débat sur les contraintes du Code du travail fait l’objet des attentions des candidats à la primaire. « Le débat sur la loi El Khomri est déjà dépassé », estime ainsi François Fillon. Le Code du travail de « 150 pages », avec uniquement les dispositions essentielles renvoyant à la négociation d’entreprise, est une idée assez partagée chez les concurrents. Mais que faire du contrat de travail ? Là encore, l’imagination est au pouvoir. Bruno Le Maire propose un « CDD à vie » avec des droits qui augmentent dans le temps. « Je propose plutôt de maintenir les CDD et les CDI, et de développer des contrats de missions de 1 à 3 ans et un statut de travailleur indépendant permettant aux entreprises de les utiliser sans risques de requalification ultérieure du contrat par le juge », lui répond François Fillon. Dans tous les cas, c’est évidemment (beaucoup) moins de droits pour les salariés.

Autre marotte de la droite, le combiné baisses d’impôts et baisses des dépenses publiques. Là encore, Bruno Le Maire n’est pas en reste avec ses propositions chocs de supprimer 1 million de fonctionnaires en 10 ans et, parallèlement, de baisser les « charges » sur les entreprises jusqu’à 2,5 SMIC, soit la quasi-totalité des salaires. Mais Hervé Mariton, le député de la Drôme, va plus loin : 130 milliards d’économies sur les dépenses publiques et un impôt unique sur le revenu à 15 % pour tous, du plus gros au plus petit revenu !

Enfin, dans le registre traditionnel du « pouvoir fort » cher à la droite, si tous les candidats tentent de montrer leur autorité, c’est Jean-François Copé qui se montre le plus « dur ». L’ancien président de l’UMP a choisi pour slogan : « Il faut un chef à la France », et il compte « réformer en 3 mois par ordonnances », et ainsi, contourner Parlement comme syndicats et les corps intermédiaires en général.

L’Europe divise

Il y a cependant un sujet sur lequel la surenchère ne s’opère pas dans une seule direction : l’Europe. Non pas que dans ce domaine les candidats soient tous d’accord, ni qu’ils fassent preuve d’une quelconque modération, mais leurs propositions divergentes montrent à la fois le trouble idéologique dont lequel ils se trouvent, et le jeu de posture qui en résulte. Alain Juppé veut ainsi un « nouveau départ » pour l’Europe, Sarkozy une « refondation » et Bruno Le Maire, « un renouveau ». Mais quand l’ancien président propose d’« aller jusqu’au bout de l’intégration », soit jusqu’à un secrétaire du Trésor à l’américaine, Bruno Le Maire veut « retremper le projet européen dans le bain de la souveraineté nationale ». Difficile de faire plus contradictoire. Là encore, le député de l’Eure, jusqu’ici assez peu critique sur la marche de l’Union, propose un référendum sur l’avenir de ­l’Europe, s’il est élu. Belle manière de marquer les esprits et de séduire jusqu’à l’extrême droite.

Avec cette surenchère permanente sur tous les sujets, les outsiders de la primaire mettent la pression sur les deux favoris, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, qui proposent pourtant tous deux des programmes déjà très libéraux pour le prochain quinquennat (voir l’« HD » du 4 mai et du 4 février).

Une surenchère partagée

Mais cette débauche d’idées de droite déborde largement les candidats à la primaire. Le fait que le gouvernement actuel se soit engagé dans les voix libérales et sécuritaires a ouvert les vannes à une opposition qui cherche son originalité. À la suite des attentats de Bruxelles, Christian Estrosi, nouveau président de la région PACA, proposait ainsi de « couler les bateaux des passeurs » pour empêcher les migrants (donc, les terroristes, sic) d’atteindre nos côtes. Xavier Bertrand, qui a conquis les désormais « Hauts de France », remettait sur la table à cette occasion la peine de mort, abolie il y a 35 ans. Plus récemment, Éric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, proposait que « les détenus prennent en charge une partie de leurs frais d’hébergement ». Maître Eolas, avocat célèbre sur les réseaux sociaux, lui a répondu : « Et s’ils ne paient pas, on les fout dehors ? »

La compétition des propositions aura-t-elle d’autres conséquences qu’un jeu de rôle pendant les 6 mois à venir ? On peut le craindre. Tout comme en 2011, avec la primaire socialiste, les projecteurs des médias seront braqués sur la droite pendant tout l’automne et les débats marqueront l’espace politique de la précampagne. La compétition ardue qui s’annonce entre les deux favoris devrait également donner lieu à des ralliements et à des compromis, et donc à l’intégration de certaines propositions radicales dans le programme final du candidat. La surenchère verbale pourrait, en conséquence, bien conduire, pour le prochain quinquennat, à un programme social d’une rare violence, si la droite venait à l’emporter. Et il y a peu de chance que l’exemple de Donald Trump aux États-Unis incite les protagonistes à mettre la pédale douce dans les mois qui précèdent l’échéance. Car il reste encore 7 mois avant que les sympathisants de droite ne choisissent leur champion. Une éternité.

 

 

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