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Alternatives & Révolutions
29 mai 2016

"ELLE" film de Paul Verhoeven : Génial !

Cannes 2016 - “Elle”, de Paul Verhoeven :
Isabelle Huppert au sommet de l'ambiguïté vénéneuse

 

Le chat et Isabelle Huppert, Elle.

 

 

Dans un best of époustouflant de tous les registres d'Isabelle Huppert, le cinéaste néerlandais explore l’insondable. Un hommage aux femmes dans lequel l’effroi voisine avec une sorte d’absurdité.

Par ordre d’apparition à l’écran, il y a d’abord un chat. Un beau chat en gros plan, l’air intéressé, sinon diverti. Or ce chat assiste tranquillement à l’agression et au viol de sa propriétaire. Ironie, férocité, sophistication : le ton est donné. Rien ne se passe banalement dans ce thriller grinçant. Un peu comme son chat, l’héroïne ne réagit jamais à ce qui lui arrive comme on pourrait l’attendre. Plus on en apprend sur elle, moins on la comprend. Et pourtant, on en apprend beaucoup, et vite.

« Elle » s’appelle Michèle. Elle vit seule dans une belle demeure en banlieue parisienne. Elle dirige avec autorité une maison d’édition de jeux vidéo à succès. Avec la même poigne, elle règne sur un ex-mari bohème, un grand fils immature et une mère fantasque. Voire sur une associée et sur un amant irrégulier.

Quant au père de Michèle, il a commis l’irréparable, des décennies auparavant : un carnage sans préavis, vingt-sept meurtres coup sur coup dans son quartier, avant de retrouver sa fille préadolescente, à la maison, et d’allumer, avec son aide, un grand feu en attendant la police. Une photo d’elle a été prise alors : « Le regard vide que j’ai là-dessus, c’est terrifiant », commente a posteriori l’intéressée, avec un détachement déconcertant.

Dans le roman de Philippe Djian, Oh , dont le film est l’adaptation, Michèle est la narratrice, elle raconte et se raconte. Paul Verhoeven a banni la voix off : il suit son héroïne partout, sans donner accès à son intériorité. Les pièces du portrait puzzle ne s’assemblent pas forcément. Encore plus que le livre, le film porte sur l’insondable. Sur la frontière ténue qui sépare l’innocence de la culpabilité, et la normalité de la folie.

Mais comme chez Djian, l’effroi voisine avec une sorte d’absurdité ludique, voire tonique. Michèle commande des sushis juste après après avoir été violée, au lieu d’appeler la police. Elle s’engage plus tard dans une relation sado-maso des plus glauques avec son voisin d’en face. Mais le matin, ils s’entraperçoivent, frais et tirés à quatre épingles, partir chacun au travail comme si de rien n’était…

Que le film soit réalisé par un Néerlandais issu de l’avant-garde des années 70 (Turkish Délices), passé par Hollywood avec succès (Total Recall) et travaillant en France pour la première fois, aboutit à un style détonnant. Elle est un suspense à l’américaine, néo-hitchcockien, où le doute plane sur l’identité du violeur masqué de Michèle, et sur la probabilité de nouvelles agressions. Le goût de Verhoeven pour la provocation et la transgression exacerbe la crudité des situations et la cruauté des rapports entre tous les personnages, paroles et actes confondus. Le tout dans un rire sous cape permanent qui rappelle bien souvent la misanthropie joyeuse d’un Claude Chabrol.

Et le cinéaste manifeste une ingénuité réjouissante vis-à-vis des acteurs français, de Charles Berling à Judith Magre, si familiers pour nous, mais qu’il découvre. Parmi les seconds rôles, Laurent Lafitte et Virginie Efira ont rarement été aussi bien distribués et dirigés, lui dans un rôle de trader à « l’âme tourmentée », elle en voisine croyante, le cœur sur la main.

Compilation époustouflante

Le cas d’Isabelle Huppert (Michèle) reste à part. Si Philippe Djian avait dit avoir pensé à elle, en écrivant son roman, le film fut un temps prévu aux Etats-Unis avec d’autres comédiennes. Or on ne voit pas qui aurait pu porter le rôle à ces sommets d’ambiguïté, d’amoralisme, de solitude et de solidité. L’incarnation est si totale que défilent, selon les virages du scénario, plusieurs de ses personnages antérieurs : la femme puissante, téléphone vissé à l’oreille, de L’Ivresse du pouvoir, la teigneuse à béquilles d’Abus de faiblesse, ou la névrosée sexuelle de La Pianiste. C’est une compilation époustouflante, un best of de tous les registres de l’actrice.

Mais aussi, à travers « elle », survivante d’une apocalypse familiale, un hommage aux femmes, nettement plus combatives, rusées et résistantes que les hommes, dans ce jeu de massacre. Isabelle Huppert vue par Verhoeven, pour citer la période hollywoodienne du réalisateur, se situe à mi-chemin entre la Sharon Stone vénéneuse de Basic Instinct et l’indestructible Robocop.

 

 

 

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