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Alternatives & Révolutions
20 juin 2016

PS: UNE PRIMAIRE CONTRE LA GAUCHE par Roger Martelli

Regards

 

 

PS : une primaire contre la gauche

 

Le piège de la primaire s’est refermé : le PS a décidé qu’elle aurait lieu, Hollande pourra y concourir, les frondeurs en seront… Une primaire taillée sur mesure pour le président, admire la presse. Mais la gauche peut y périr. Sauf si…

Jean-Christophe Cambadélis a réussi son coup. Jeudi dernier, on murmurait encore qu’un primaire n’était pas possible et que, s’il le fallait, le PS modifierait ses statuts pour ne pas obliger le Président à s’y plier. Dans la foulée, tout le monde se préparait à cette éventualité. Les frondeurs laissaient entendre qu’ils pourraient jouer leur propre carte et Pierre Laurent lui-même, qui n’a jamais écarté l’hypothèse d’une votation à gauche sans le président ou l’un de ses ministres, n’hésitait pas à fustiger la « fébrilité »socialiste à écarter toute idée de primaire.

Un paradoxal éclaircissement politique

Vendredi, le premier secrétaire du PS a pris tout le monde à contre-pied, avec la bénédiction de l’Élysée. Il y aura une primaire et François Hollande pourra y chercher la légitimité qui lui manque, sous les auspices de la plus vieille des ficelles : « Au secours, la droite revient ! » Le contour de la consultation est désormais tracé. Ce ne sera pas toute la gauche, fait mine de déplorer "Camba", puisque le PCF et EE-LV n’en ont pas voulu en écartant a priori une candidature Hollande. La primaire ne concernera donc qu’une gauche et un seule : celle que l’on appelle indifféremment "gauche de gouvernement" ou "gauche réformiste" à l’instar de Manuel Valls. Comme si, entre nous soit dit, ladite gauche "réformiste" avait à ce point fait montre de sa capacité à gouverner…

En l’absence de toute primaire officielle, les "frondeurs" avaient laissé plus ou moins entendre qu’ils étaient libres de concourir à une candidature plus franchement à gauche. Ils se présentaient ainsi comme les pivots possibles d’une recomposition incluant "l’autre gauche". Les voilà contraints d’accepter la règle du jeu édictée rue de Solferino et d’en assumer les conséquences : si Hollande l’emporte dans cette nouvelle formule verrouillée, ils n’auront pas d’autre choix que de le soutenir jusqu’au bout. Quitte à donner rendez-vous pour l’après 2017…

Paradoxalement, le choix solférinien éclaircit l’horizon politique. La décision entérinée samedi par le Conseil national du PS a en effet des implications stratégiques. Elle signifie que, pour la majorité de ses responsables, l’horizon du socialisme est nécessairement dans la trace esquissée naguère par le néotravaillisme de Tony Blair. À leurs yeux, cela implique une rupture avec toute une tradition sociale-démocrate. La loi travail referme symboliquement la parenthèse ouverte par le Front populaire, il y a exactement 80 ans ; le modèle Hollande-Valls-Macron clôt quant à lui l’histoire du socialisme ouvrier. Au-delà, il suggère d’achever la longue phase d’une gauche sociale et politique structurée par l’égalité, par le refus du capitalisme et le parti pris de la rupture sociale. La compétitivité et l’ordre seraient les maîtres mots d’une gauche prétendument décomplexée. Adieu donc à la "Sociale" et à ses rêves…

Va-tout social-libéral et gauche lobotomisée

Il faut reconnaître à Cambadélis qu’il ne manque pas d’aplomb. Il nous propose en effet d’assumer complètement la logique sociale-libérale au moment même où elle bat de l’aile sur tout notre continent. Le PS grec s’est brisé sur son exercice, le socialisme à la mode Zapatero s’essouffle en Espagne, la social-démocratie allemande se cherche et le modèle fondateur lui-même, le travaillisme britannique, a donné un spectaculaire coup de barre à gauche avec l’arrivée de Jeremy Corbyn. Longtemps tenue pour rebelle au socialisme prétendument "moderne", la France serait aujourd’hui vouée à en reprendre le flambeau.

La direction socialiste sait ce qu’elle fait : elle joue son va-tout. En France, voilà près de quatre décennies que le socialisme exerce son hégémonie sur la gauche française. Depuis, il n’a cessé de reculer devant la pression libérale d’un capitalisme de plus en plus financiarisé et mondialisé. Il prônait autrefois le "changer la vie" ; il s’enlise maintenant dans la dérive de l’état de guerre, de la déchéance de nationalité, de la loi travail et de la stigmatisation de la lutte sociale. Le constat est désormais cruel, mais sans appel : la gauche va mal, non pas parce qu’elle est divisée, mais parce que le PS l’a lobotomisée.

Comment ne pas relever ce défi ? Comme cela se dessine en Espagne, le moment est venu en France de remettre la gauche historique sur ses rails. Son terreau n’est pas la compétitivité mais l’égalité, non pas la concurrence mais le partage, non pas l’appropriation privée mais la logique publique de la mise en commun, non pas la gouvernance mais la souveraineté populaire. L’esprit de rupture, à nouveau, doit l’emporter sur l’esprit d’accommodement au capitalisme. Il fut longtemps la marque de fabrique de la gauche française ; il doit redevenir majoritaire à gauche ; il peut désormais y parvenir. Hors de cela, la gauche ne peut pas gagner ; elle n’a aucune chance de juguler la montée du Front national.

La possibilité d’un redressement de la gauche

Longtemps, la gauche de gauche a reculé, laissant l’initiative à un socialisme sans cesse un peu plus recentré. La possibilité s’entrevoit de renverser cette logique délétère. La lutte sociale montre d’ores et déjà sa détermination et ses aspirations. Le syndicalisme de lutte retrouve son élan. La dynamique citoyenne se cherche et s’étend, dans les salles, dans la rue et sur les places. Il reste à mettre la politique, de bas en haut, dans la société et dans les urnes, à la hauteur des exigences exprimées un peu partout. Il reste à faire en sorte que l’insatisfaction et la colère ne se tournent pas en ressentiment mais alimentent l’espérance.

Faire marcher le social et le politique d’un même pas, redonner l’hégémonie à l’alternative : voilà qui est désormais de l’ordre du possible. Pas dans un avenir lointain : sans attendre. Le PS veut nous engluer dans "sa" primaire et délégitimer cette gauche que l’on dit "autre" et dont la droitisation socialiste fait, chaque un peu plus, qu’elle incarne "la gauche", tout simplement. Face à cette tentative, il existe d’ores et déjà un outil.

On peut penser ce que l’on veut de la candidature de Jean-Luc Mélenchon : force est de constater qu’elle a créé un déclic. L’homme est considéré, dans des proportions significatives, comme la personnalité du moment la plus à gauche et la plus représentative de la gauche tout entière. Les sondages laissent entendre qu’il peut devancer le chef de l’État au premier tour et mettre ainsi un terme à un cycle de quatre décennies. Ce faisant, il n’affaiblit pas la gauche : il lui offre au contraire la chance historique de se redresser.

L’engagement et la responsabilité

À mon sens, le temps n’est plus à l’expectative. S’il est possible avec Mélenchon d’inscrire dans les urnes l’idée qu’il n’est de gauche possible qu’en rompant avec plus de trois décennies d’errements libéraux, rien ne doit empêcher la réalisation de cette possibilité. Si cette candidature est un outil pertinent, à quoi bon repartir de zéro pour s’en bricoler un autre ? Et à quoi bon opposer engagement collectif et personnalité individuelle ? En 2012, elles fonctionnèrent ensemble ; il ne dépend que de nous qu’il en soit de même en 2017. Pour cela, écartons tout ce qui freine la synergie des deux : bannissons toute idée de ralliement à un homme ; ne multiplions pas les "conditions" qui seraient nécessaires pour le soutenir. Nous savons que, si nos mots ne sont pas toujours le mêmes, notre ambition est commune, et depuis longtemps. Or l’ambition n’est rien, si ceux qui la partagent ne convergent pas en pratique.

À chacun désormais, candidat bien installé dans le paysage de 2017 et organisations, engagées avec lui déjà ou pas encore, de faire les gestes témoignant d’un même esprit de responsabilité. À chacun d’aider à trouver les formes collectives qui vont permettre à chaque individu et à chaque organisation de trouver sa place, pour construire du commun, sans sacrifier une miette de son irréductible spécificité. Sur le fond, dans la diversité de nos sensibilités, nous disposons du socle politique et éthique qui nous a mis en mouvement, de 1995 à 2012. Il suffit que nous décidions que l’existence de ce socle vaut davantage que les querelles, les préventions, les calculs particuliers.

Nous avons une chance historique. Nous serions impardonnables de ne pas nous en saisir. En Espagne, la tradition ancienne d’Izquierda Unida et les pousses nouvelles de Podemos ont enfin décidé de se retrouver. Elles se tournaient le dos hier ; elles marchent ensemble aujourd’hui.
Ayons la même conviction qu’en Espagne : « Unis, nous pouvons » !

 

 

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