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Alternatives & Révolutions
1 décembre 2016

Costa-Gavras au fil de ses films - "L'Aveu" (1970) : "Le film a aidé Yves Montand à se libérer de son amitié avec le PC"

Costa-Gavras au fil de ses films, “L’Aveu” (1970) :

 

“Le film a aidé Yves Montand à se libérer

 

de son amitié avec le PC”

 

Le premier volume de son Intégrale sort en DVD. Entre souvenirs de tournage et leçon de mise en scène, Costa-Gavras a accepté de commenter sept extraits de ses films. Quatrième épisode : “L’Aveu”, film choc adapté du livre d’Artur London, ancien ministre tchécoslovaque victime de la purge stalinienne en 1951.

En 1969, alors que Z est encore au montage, Costa-Gavras retrouve à un dîner le journaliste Claude Lanzmann. Le futur réalisateur de Shoah fait l'éloge d'un livre choc qui vient tout juste d'être publié. Dans L'Aveu, l'ancien ministre tchécoslovaque et communiste fervent Artur London raconte la purge stalinienne dont il a été victime en 1951, les aveux forcés de « conspiration » qui lui ont été extorqués sous la torture, sa condamnation à la prison à vie avant son exil en France. « J'ai acheté le bouquin dès le lendemain, et je l'ai lu d'une traite, raconte Costa-Gavras. J'ai aussitôt appelé Jorge Semprun [le scénariste de Z, ancien militant du PC espagnol, NDRL] pour lui demander de l'adapter, et il me répond : “Pas de problème, je connais bien l'histoire. J'ai même connu un des types qui a été exécuté après le procès de Prague”. »

L'Aveu sort en salles en avril 1970 et attire plus de 2 millions de spectateurs en dépit (ou peut-être en raison) des critiques assassines des journaux liés au Parti. « D'un livre communiste, on a fait un film anticommuniste », peut-on lire en substance dans L'Humanité

L'extrait ci-dessus se déroule juste après l'arrestation d'Anton Ludvik, le double de fiction d'Artur London, interprété par Yves Montand

A quelles contraintes de mise en scène avez-vous dû faire face pour L'Aveu ?

Pour Z, j'avais demandé à mon chef-opérateur, Raoul Coutard, une image documentaire, avec du rythme et du mouvement. Il était impossible de reproduire ce style dans L'Aveu : la gravité du sujet imposait un découpage plus classique. Le personnage de Montand est en prison : l'exiguïté du décor interdit de multiplier les angles de prise en vue. Et une caméra en mouvement permanent, un montage trop rapide auraient constitué des fautes de goût.

L'Aveu a posé un vrai défi de mise en scène : comment dynamiser un film dont le récit est lent, avec très peu d'action puisque le héros est enfermé ? Il fallait trouver des astuces pour aérer le huis clos, comme l'utilisation des images d'archives. En zoomant sur la faucille et le marteau, le symbole du Parti, j'ai voulu exprimer tout ce qu'a pu représenter le communisme pour des millions de miltants : la bataille de Stalingrad, la victoire contre les Nazis. Cela permet de comprendre ce qui a nourri Anton Ludvik mais aussi ses réactions quand, plus tard, il va avouer des crimes imaginaires pour « sauver » le Parti.

Le flash-back avec Simone Signoret est une autre illustration de l'emprise idéologique du Parti. C'est aussi une forme de résistance psychique du héros : Anton Ludvik se protège de l'horreur en se réfugiant dans ses souvenirs. C'est pourquoi les gardiens viennent brutalement interrompre sa rêverie. Dans le processus de déshumanisation que raconte Artur London, il fallait « casser » les gens sans interruption. Surtout au début de leur incarcération, quand ils ne comprennent pas ce qui leur arrive…

La scène est très dure, mais il y a tout de même un clin d'œil humoristique dans la répétition de l'ordre « Marchez ! ». A l'époque, le numéro 2 du Parti communiste français était Georges Marchais...

Tout le film est construit sur un système de flash-back…

Passée la première moitié du film, nous avons décidé, avec Jorge Semprun, d'arrêter le flot de l'histoire avec un flash-forward qui propulse le spectateur quelques années plus tard, en France. On ne voulait pas créer un suspense artificiel : Anton Ludvik a survécu, et il raconte ce qui lui est arrivé. Le producteur Anatole Dauman ne comprenait pas qu'on puisse ainsi faire monter l'angoisse pour, au milieu du récit, expliquer que non, finalement, tout va bien, le héros s'en est sorti : pour lui, c'était le scénario le plus contre-productif qu'on puisse offfrir à un spectateur !

Yves Montand avait été un compagnon de route du PC avant de dénoncer les dérives du bloc soviétique. Comment a-t-il vécu le tournage ?

Montand était enthousiaste à l'idée de faire le film. L'Aveu l’a aidé à se libérer de son amitié avec le PC. Mais le tournage a été une épreuve pour lui. Il fallait que l'on puisse voir l'impact physique de la torture physique et mentale à laquelle avait été soumise Artur London. On a donc commencé le tournage par les scènes « françaises », qui se déroulent plusieurs années après le cauchemar. Puis on a fait ce qui est très rare au cinéma : tourner dans l'ordre chronologique. Et avec un timing très serré pour que l'équipe ait, elle aussi, l'impression d'être prise à la gorge en permanence.

Pour les besoins du rôle, Montand a perdu 12 kilos. Je me souviens de ses insultes sur le tournage, quand il nous voyait reprendre un plat à la cantine alors que lui ne pouvait rien manger. Je me souviens aussi de ses cauchemars, la nuit, à l'hôtel…

(à suivre)

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L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes - Karl Marx-gauchedegauche.canalblog.com .

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