L’un, à Washington, veut «rendre sa grandeur à l’Amérique». Les autres, à Coblence, ont promis de «rendre sa liberté» au vieux continent. Marine Le Pen et plusieurs de ses alliés européens se sont retrouvés samedi en Allemagne, le temps d’un meeting centré sur leurs deux passions communes : pilonner une Union européenne décrite en «prison des peuples»; dénoncer l’immigration et les méfaits de «l’islam politique». Une symbolique involontaire et un peu datée entourait le choix de la ville, lieu d’exil de l’aristocratie française durant la révolution, et de la date, anniversaire de l’exécution de Louis XVI. Mais c’est bien l’avènement d’un «nouveau monde» qu’ont promis les orateurs, inspirés aussi bien par le Brexit que par la récente investiture de Donald Trump.

Au palais des congrès de Coblence, devant quelques centaines de personnes, c’était à qui trouverait la formule la plus percutante contre les bêtes noires de l’extrême droite européenne. Marine Le Pen : «Ce ne sont pas les Allemands qui veulent l’accueil des migrants, c’est le grand patronat allemand; ce ne sont pas les Français qui veulent supprimer les frontières, c’est le grand patronat français». L’Italien Matteo Salvini, de la Lega Nord: «Des peuples entiers sont remplacés sans scrupule par une immigration qui n’a rien à voir avec la solidarité». Le néerlandais Geert Wilders, du PVV : «Dix à vingt pour cent des musulmans sont prêts à défendre l’islam par la force». L’Allemand Marcus Pretzell, de l’AFD, un parti qui officialisait pour l’occasion son rapprochement avec le FN : «Israël est une image de notre futur» dans la façon de gérer les relations avec l’Islam.

Les tournures les plus inhabituelles venaient finalement de la présidente du Front national. Pour ménager des alliés parfois moins remontés qu’elle contre la monnaie unique européenne, Marine Le Pen prônait à ce sujet des solutions sur mesure : «Je ne dis pas qu’il faille pour chaque pays quitter la zone euro, c’est un choix souverain pour chaque nation. Je n’ai jamais considéré qu’il faudrait pour tous les pays d’Europe les solutions que je prône pour la France». La candidate frontiste laissait ainsi entendre que l’euro pourrait survivre à un éventuel «Frexit », alors qu’elle a régulièrement appelé à une «dissolution concertée de la zone euro».

Arrière-plan permanent de la réunion : l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, saluée à d’innombrables reprises et censée annoncer, comme le Brexit, le déclin final de l’UE et des partis traditionnels. «Nation, maîtrise des frontières, patriotisme, identité : c’est au nom de ce pack d’idées que M.Trump a été élu et investi hier», a jugé Marine Le Pen lors d’une conférence de presse en milieu de journée. Des idées que la présidente du FN et ses alliés se disent certains de faire triompher en Europe aussi, à l’occasion des scrutins prévus dans différents pays d’ici à l’année prochaine. La série commence dès mars aux Pays-Bas, où le PVV de Geert Wilders est pour l’heure favori des sondages. Et quand bien même le succès ne serait pas au rendez-vous pour ses alliés et lui, le Néerlandais est en certain : «Le génie est sorti de la lampe; il n’y rentrera plus».

Dominique Albertini