L'ancien ministre des Finances grec, symbole du combat de la Grèce contre l'austérité imposée par l’UE, appelle les Français à faire barrage à l’extrême-droite.

L'ancien ministre des Finances grec s'engage pour faire barrage au FN
L'ancien ministre des Finances grec s'engage pour faire barrage au FN © Reuters / Neil Hall

Yanis Varoufakis, l'ancien ministre des Finances grec, symbole du combat de la Grèce contre les mesures d’austérité imposées par l’Union Européenne, appelle les français à faire barrage à l'extrême droite en votant pour Emmanuel Macron, son ancien homologue, dont il combat pourtant les idées. Il a expliqué les raisons de cette mobilisation à Claude Guibal.

Pour Yanis Varoufakis,"chaque fois que la gauche a dû affronter le risque d’une droite xénophobe et néofasciste, nous avons fait front avec nos ennemis politiques, que ce soit avec la droite conservatrice ou le courant néolibéral. Nous avons toujours fait alliance avec nos adversaires sur l’échiquier politique pour éliminer cette menace."

"Mettre au même niveau Emmanuel Macron et Marine Le Pen est impardonnable. Je ne veux pas faire partie d’une génération de progressistes qui n'aurait pas bougé d'un cil au moment où le Front national pourrait s'emparer de l’Elysée."

En 2002, Le Pen père n’était pas pire que sa fille. Jacques Chirac n’était certainement pas plus progressiste qu’Emmanuel Macron.

"Si en 2002 on a été capable d’aller voter d’une main pour Jacques Chirac tout en se pinçant le nez de l’autre, je ne comprends absolument pas qu’on ne puisse pas faire la même chose avec Emmanuel Macron. Que les choses soient claires : mon soutien irait de la même façon à n’importe quel politicien qui s’opposerait à Marine Le Pen et qui s’inscrirait dans une offre politique démocratique et civilisée."

Sur Jean-Luc Mélenchon

Interrogé sur la position de Jean-Luc Mélenchon et de ses sympathisants sur un vote Emmanuel Macron, Yanis Varoufakis précise :

Je ne comprends pas la position de Jean-Luc Mélenchon.

"Je n’ai pas eu l’occasion de lui parler, mais si j’étais amené à le faire, je lui dirais que depuis soixante ans, la priorité de la gauche a toujours été de lutter contre ceux qui font leur carrière politique sur le sectarisme, la xénophobie, le racisme, et sur une forme de populisme dont le but est de faire appel aux pires instincts de la population et de la classe ouvrière, pour les retourner contre l’autre. L’autre, celui qui a la peau plus sombre, celui qui vient d’une culture différente."

"Cela fait soixante ans qu’on lutte, et ce n’est pas le moment d’abandonner ce combat contre la xénophobie et le racisme dans lequel on doit mettre absolument toute notre énergie."

Sur Emmanuel Macron

"Emmanuel Macron a été le seul ministre français que j’ai rencontré pendant mon court mandat de ministre grec de l’Economie, alors que nous menions une lutte désespérée pour sortir la Grèce de la prison de son endettement. C’est le seul à avoir compris que sortir de cette spirale déflationniste était une bonne chose pour l’Europe. Il a été le seul à réaliser que la façon dont notre gouvernement était traité et dont on nous imposait des emprunts prédateurs était, au final, nuisible pour les perspectives futures de l’Europe et de la France."

À réécouter

"Emmanuel Macron a fait tout son possible pour me soutenir dans l’Eurogroupe, et fait de son mieux pour convaincre François Hollande et Angela Merkel de mettre fin à l’asphyxie budgétaire de la Grèce. Il a échoué car il n’était pas en position de force : ce n’était pas lui, ministre de l’Economie, qui représentait la France au sein de l’Eurogroupe. Mais j’ai apprécié son geste. Et c’est le seul ministre français qui l’ait fait."

Varoufakis a par le passé qualifié Macron de néo-libéral : "Nous avons d’énormes désaccords. Vous le savez, j’ai participé à Nuit Debout. Place de la République, j’ai manifesté contre lui alors qu’il était ministre, parce que j’estimais que sa politique de libéralisation du marché était mauvaise."

"Cependant Emmanuel Macron reconnaît qu’il y a de graves défauts dans la façon dont l’Eurozone a été conçue et structurée."

Nous sommes d'accord sur le fait que, depuis la création de la zone euro, les politiques monétaires et budgétaires en Europe sont source de problèmes. La façon dont l'union monétaire a été organisée sans union politique ne peut pas fonctionner.

"Cela, il le comprend et nous sommes en accord. Comme sur le fait que mettre l'accent sur la compétitivité est destructeur pour l'Union européenne et que nous devons insister sur la productivité, pas sur la compétitivité. Il faut une stratégie pan-européenne pour renforcer l'investissement."

"En ce qui concerne Emmanuel Macron, je trouve que sa libéralisation du marché du travail pose énormément de problèmes et il a tort de vouloir réduire l’ISF. Mais après tout, c’est ça la démocratie ! Etre d'accord sur certaines choses et pas sur d'autres, dans un cadre civilisé et dans le dialogue. Marine Le Pen et le Front National ne peuvent pas être partie prenante de ce dialogue. Nous devons les combattre ensemble ! Nous devons nous unir et faire en sorte que ces xénophobes n’aient jamais la main sur les rouages de l'Etat français, qu’ils ne contrôlent jamais les forces de sécurité, ni la police française. Car si j'étais un citoyen français, un citoyen français, disons, d'origine arabe, si j'étais différent, si je n'appartenais pas à ce que Mme Le Pen considère comme une 'bonne lignée', ce que je demanderais aux progressistes comme moi, c'est qu'ils fassent preuve de solidarité pour être sûr que Mme Le Pen ne prenne pas le pouvoir."

Que signifierait une victoire de Marine Le Pen ?

"Ce serait un coup terrible pour ceux qui portent l'espoir d'une démocratie libérale. Nous n'avons pas de démocratie libérale en Europe, malheureusement. Je crains que l'Union européenne, de la façon dont nous l'avons construite, ne soit devenue une entrave à la démocratie. Mais avoir Marine Le Pen à l'Elysée signifierait la fin de l'espoir même d'une démocratie libérale. Nous devons tout faire pour maintenir ce rêve en vie."