Les échanges gouvernement/syndicats relatifs à la réforme du Code du travail sont entrés cette semaine dans leur dernière ligne droite. Mais le but de l’exécutif semble moins de négocier que d’éviter un mouvement social.

 

Le gouvernement et les organisations patronales et syndicales se rencontrent, cette semaine, pour un ultime round de « négociations » autour des ordonnances pour réformer le Code du travail.

Drôles de négociations, à vrai dire. Symboliquement d’abord, c’est le Medef qui a ouvert le bal, mardi, avant toutes les organisations syndicales. Plus concrètement, ensuite, les documents présentés aux syndicats ne portent que sur les deux tiers des ordonnances, et non sur la totalité. De plus, les négociateurs ne peuvent partir avec les documents écrits, soi-disant pour limiter les fuites dans la presse. Enfin, le gouvernement a refusé de convoquer en même temps l’ensemble des organisations représentatives, pour n’organiser que des rencontres bilatérales, évitant ainsi une large mise à plat des accords et désaccords.

Fidèle à sa ligne de conduite dans ce dossier, le gouvernement fait ainsi tout pour gagner du temps en repoussant le plus possible la révélation du contenu précis des ordonnances. Le but (bien sûr inavoué) ? Éviter qu’une mobilisation des salariés se mette en place. En effet, dans une semaine, le 31 août, les ordonnances dans leur version définitive seront rendues publiques, avant d'être adoptées en Conseil des ministres autour du 20 septembre à la suite de quoi elles pourront entrer en application immédiatement. Il restera donc moins de trois semaines aux syndicats pour tenter d’impulser un mouvement social.

Des mesures régressives

Pourtant, sur le contenu, les quelques indications des négociateurs syndicaux à la sortie des rencontres donnent quelques éclaircissements, qui ont déjà de quoi donner aux salariés des raisons de se mobiliser. Quelques exemples :

• Si les motifs de recours aux contrats courts (CDD notamment), devraient rester fixés par la loi, les modalités – la durée ou le nombre de renouvellements – pourraient dorénavant être négociées branche par branche. De plus, l’élargissement des contrats de chantier au-delà du secteur du BTP sous le nom de « contrats d’opération » est bien confirmé, selon la CGT.

• Pire : sur les jours de carence et les congés maternité, par exemple, les négociations pourraient avoir lieu dans chaque entreprise. Une mesure inacceptable même pour la CFDT.

• Sur les licenciements, le principe de l’instauration d’un barème des dommages et intérêts aux prud’hommes en cas de licenciement abusif est acté, même si les montants de ce barème ne sont pas arbitrés. Supposée être une compensation, la hausse des indemnités de licenciement se limiterait à passer d’un cinquième de mois par année d’ancienneté à un quart de mois, alors que la CFDT, par exemple, exige une augmentation de 50 %.

• Selon les négociateurs de la CGT, les ordonnances introduiraient également la primauté de l’accord d’entreprise sur le contrat de travail, au risque pour les salariés de devoir accepter une baisse de leur rémunération ou une augmentation de leur temps de travail pour ne pas être licenciés.

• Les institutions représentatives du personnel devraient être fusionnées, comme prévu, même si le CHSCT pourrait être maintenu dans les entreprises de plus de 300 salariés et pour certains sites industriels à risque.

Quelle mobilisation ?

Face à cet ensemble inquiétant, seules la CGT et l’union syndicale Solidaires (qui n’a pas été invitée aux bilatérales avec le gouvernement) appellent d’ores et déjà à refuser par la grève et la manifestation, le 12 septembre, les ordonnances du gouvernement. La CFDT, sans surprise, s'est dite « plutôt rassurée ». Force ouvrière, en revanche, est entre deux eaux : si Jean-Claude Mailly affiche depuis le début une attitude conciliante à l’égard du gouvernement, une partie de sa base conteste cette orientation, comme l’ont révélé durant l'été Le Canard enchaîné et Mediapart. Il est donc probable que des membres de FO défilent également le 12 septembre, quelle que soit l'attitude finalement adoptée par leur confédération.

Solidaires envisage déjà des dates ultérieures au 12 septembre, par exemple celle du 20 septembre. L'union syndicale appelle également, au préalable, à manifester le 30 août à Jouy-en-Josas (Yvelines) contre l’université d’été du Medef. La France insoumise, de son côté, organise une « Marche contre le coup d’État social » le 23 septembre à Paris.

Reste à savoir si, malgré toutes ces initiatives, la mobilisation peut devenir en si peu de temps suffisamment massive pour amener le gouvernement à revoir sa copie.