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Alternatives & Révolutions
31 décembre 2017

Portrait d'un basketteur atypique et sympa : Louis LABEYRIE (LNB)

 

 

Louis Labeyrie (SIG) : « J’essaie d’être plus conciliant…
Mais c’est chaud ! »

 

Un entretien avec Louis Labeyrie, est toujours un moment à part. L'intérieur de Strasbourg a bien voulu se confier. Comme d'habitude, sans fard...

Louis Labeyrie de la SIG Strasbourg (Crédit Photo : Sébastien Grasset)

Louis Labeyrie (25 ans, 2,08 m au sommet du crâne, mais probablement 2,25 du haut de son afro…) est une énigme. Une image qu’il aime à cultiver. Sa première saison au HTV dans le contexte particulier d’un club en proie à de graves difficultés financières avait pris tout le petit monde du basket par surprise (9,1 pts à 58% et 6,5 rbds, à 19 ans, en 2011-12.

Sa draft (57e choix, par les Pacers), à l’été 2014, puis le transfert de ses droits aux Knicks, avaient également surpris, tant Louis semblait manquer de repères au Paris Levallois (6,4 pts et 3,7 rbds). On le disait "sans poste". Un qualificatif presque trierweilerien… Trop léger pour un 5. Trop peu shooteur pour jouer 4. Après trois ans à Paris, ses stats avaient à peine doublé : 5,3 points et 3,6 rebonds en 2014-15. Et "seulement" 17 minutes en moyenne à gambader sur le parquet de Coubertin.

Puis, Fred Fauthoux a pris en main l’équipe. Et a "empoweré" les géants du banc, Louis comme Vincent Poirier. Décollage immédiat, Louis passant à 9,9 points à 59% aux tirs, et 8,6 rebonds pour 16,2 d’évaluation moyenne. Pas mal en 22 minutes de jeu ! Et le "quatre et demi" du PL de terminer 2e rebondeur et 7e évaluation (2e Français, juste derrière Moustapha Fall à chaque fois) de la Pro A. Le tout réhaussé d’un titre de #DLSIxièmeHomme de la saison. Surprise encore. Tout comme sa sélection pour l’EuroBasket, dont il fut ensuite l’une des rares satisfactions. Passé à la SIG, Labeyrie fait encore mieux : top-rebondeur (8,9) et n°2 à l’éval (19,5). Atypique à souhait. Ombrageux parfois. Drôle autant que lunaire toujours. Au micro comme sur un terrain, ce Louis-là n’a pas fini de nous surprendre…

Une enfance entre Antilles et Drôme...

« Tout s’est bien passé pour moi. La Martinique, les Antilles, c’était une belle époque. Après, le retour en métropole, c’est particulier... Rien que le changement de climat, c’est un choc ! Je suis revenu vers l’âge de 9 ans je crois, je ne m’en souviens pas précisément. Direction la Drôme provençale, à Lus-la-Croix-Haute (le village le plus étendu de la Drôme, 87 km2, situé à 1.000 m d’altitude, ndlr). C’est au pied du Col de la Croix-Haute, où passe le Tour de France quelquefois. Mais en dehors de ça, c’est sympa mais pas terriblement animé ! Le basket, je n’en avais franchement rien à faire. Je faisais du sport, mais rien en compétition. Des trucs que je pouvais faire tout seul, comme le ski de fond. Mine de rien, j’avais déjà un bon niveau, même si ce ne sont pas vraiment des trucs de grands. Je n’étais pas dans une région très basket en plus. Dans la Drôme, mis à part à Saint-Vallier, il devait y avoir 8 basketteurs. Et je ne le savais même pas ! En plus, le basket, ce n’est pas comme le foot : tu ne peux pas poser deux t-shirts et jouer. Si tu n’as pas de panneau dans le coin, c’est mort. Naismith a pendu un panier à une coursive, mais moi, je n’étais pas très bricoleur et je n’avais pas de panier en osier à l’époque... Il y avait quand même un petit jeune un peu plus âgé que moi et qui jouait au basket. Il m’a dégommé en un-contre-un. J’ai une rancœur longue, donc je me suis entraîné et je lui ai mis une rouste. C’est comme ça que tout a commencé. »

Ses goûts musicaux, ou la lecture... Décalé dans le milieu pro ?

« Décalé ? Bah... Oui ! Je ne sais pas s’il est possible de faire pire ! Mais je pense que j’ai des goûts culturels un peu particuliers. Cela me vient de mon grand-père et de toute la famille. On était très musique française, Ferrat, Brassens, tout ça. Mon père, que j’ai peu connu, il était marin pêcheur. Et ma mère s’est toujours occupé d’enfants, en crèche la plupart du temps. »


À 16 ans, il débarque à Fos en Sports Études...

« La clé, c’est qu’en fait, je m’embêtais un peu à l’école. Alors continuer, je voulais bien, mais il fallait que je fasse du sport en même temps. Sinon je pétais un plomb... Alors, comme je suis plus rationnel que j’en ai l’air, je n’ai pas choisi un sport où j’étais nul. J’ai envoyé des CV et Fos s’est manifesté rapidement. Franchement, je n’avais pas du tout le niveau. Mais ils ne sont pas bêtes. Vu ma taille, j’avais quand même du potentiel. La première année là-bas, je faisais le guignol en rentrant pour un dixième de seconde à cause d’une règle absurde (la FFBB obligeait à l’époque les clubs de N1 à faire jouer deux espoirs à chaque match. La plupart du temps, ceux-ci démarraient dans le cinq et sortaient dès le premier arrêt de jeu, ndlr). C’était intéressant ça, tiens ! Bon, à l’époque, j’étais quand même lucide sur mon niveau. Des joueurs comme Christophe Humbert (passé par Orléans, Limoges, Bourg et Fos, aujourd’hui à la retraite) ou Mamadou Dia me détruisaient tous les jours à l’entraînement. Alors ça ne servait à rien de me mettre sur le terrain pour que j’y sois bidon ! Ces deux-là, c’était comme un humain qui se délecte en écrasant une mouche ou le moustique que j’étais alors... Mais je n’ai aucune rancœur vis-à-vis d’eux, au contraire, ça m’a formé. Parce que même alors, je n’étais pas du tout dans cette sorte de mythomanie qui fait que plein de joueurs croient qu’en sortant du championnat espoir avec un double-double de moyenne, ils peuvent évoluer en Pro A direct. Je suis sans doute chiant parfois, mais très lucide ! À l’époque, comparé à moi, ces deux-là, c’étaient Shaquille O’Neal et Charles Barkley réunis. »


Louis Labeyrie en 2012-13, plongé par les problèmes financiers du HTV et Alain Weisz (ici à droite) dans le grand bain...

La saison 2012-13 au HTV. Louis se révèle dans un club en perdition...

« Tu veux un souvenir de cette saison-là ? J’en ai plusieurs : des roustes, des roustes et encore des roustes. (Le HTV, désargenté avait joué parfois sans aucun étranger, terminant à 3V-27D sur un score moyen de 75 à 95 !) C’est le plus marquant. Après, c’est vrai, c’était bien. La joie de mes premiers points en pro, du temps de jeu à gogo... C’était le destin d’être là pendant le chaos. Tu manges mais ça forge le caractère ! Axel (Julien) et moi, on a pu voir très vite tout ce qui pouvait encore nous manquer pour être compétitif au niveau Pro A. C’était quand même un peu biaisé, parce qu’on était tellement nuls que les équipes mettaient parfois le pied sur le frein pour moins nous humilier... Ce que nous racontait Alain Weisz, le coach ? (Long soupir) Que voulais-tu qu’il dise ? Juste d’essayer de faire en sorte de ne pas trop se sentir honteux. »

Les sélections de jeunes, pas que des bons souvenirs...

« Franchement, ce sont des souvenirs mitigés. Disons mitigés avec les U16 et U20, et une énorme déception avec les U18. Avec les U18, j’étais convoqué, mais j’ai dit que je préférais passer mon bac en juin. Cela m’obligeait à manquer 5 jours de préparation. Et que sans ces 5 jours-là, on m’a affirmé que mon retard serait irrattrapable. Ridicule comme argument. Je ne remets pas en cause la fédé, mais juste une personne qui se reconnaîtra. Avec les U20, c’était quand même sympa, mais les U16 c’était... vraiment mitigé. En U20, on avait une équipe sympa, avec Gobert, Westermann, Jean-Charles... On perd le dernier ballon pour passer devant, en finale, contre la Lituanie (49-50 au final, ndlr). Je ne me souviens plus trop de mes sensations juste après. Mais me connaissant, je devais avoir la haine ! La médaille d’argent, je devais la trouver moche autour de mon cou... »

Son arrivée à Paris, la première saison avec Christophe Denis, la victoire en Coupe...

« Il vaut mieux ne même pas parler de cette saison-là, c’était nul ! Ou plutôt j’étais nul. Je suis arrivé avec une vision biaisée de la Pro A. J’avais fait des stats, ça oui, mais avec un club battu 27 fois sur 30. Je savais que je n’allais pas faire les mêmes stats qu’au HTV, mais je ne pensais pas être à ce point à la rue. Sur le plan personnel, découvrir Paris, je m’en foutais. Je suis le pire Parisien de la terre. Je ne connais pas grand-chose à cette ville. À l’époque comme maintenant, les boîtes ou la Tour Eiffel, je n’y suis jamais allé, ça me gonfle. On dit Paris, les expos, tout ça, mais t’es déjà allé à la FIAC ? C’est de la merde ! Moi, j’adore les restos, les bistrots, je profite de tout ça. Mais les boîtes, franchement, tu te fais bolosser ! Tu veux une bouteille de Champagne, ils te font payer ça 400 au lieu de 40. Ils te prennent pour un bouffon ! Sinon, côté basket, oui, on gagne la Coupe, mais moi, je me sentais nul, je ne servais à rien ! »


À l’arrivée de Greg Beugnot, “Bégor” ne veut pas de lui...

« Oui, c’est vrai, mais je crois que ça m’a fait le plus grand bien. Au début, je n’ai aucun temps de jeu. Mais j’ai survécu. C’est sans doute là que j’ai vu que j’avais quand même plus de mental que d’autres qui auraient pu craquer. Je me suis défoncé, me suis remis en question, j’ai bossé comme un âne et Greg, qui est quelqu’un de juste et de pas idiot, l’a vu petit à petit. »

Le débat autour de son poste : ni 4 ni 5...

« Oui, sûrement, je n’ai pas de poste. Si les spécialistes le disent, ça doit être vrai... Après, comme je le dis souvent, quand tu es performant sur le terrain tu es bon et puis c’est tout ! Et les gens arrêtent naturellement de mener ces débats.  »

Les camps de pré-draft, la draft, les Knicks...

« Au final, je n’ai fait que l’Euro Camp de Trévise parce que je me suis cassé la main avant de partir faire des work-out aux USA. Sûrement que ça m’a pénalisé d’ailleurs. Le jour de la draft, j’étais à Levallois, en train de dormir avec ma femme. Et là, Bouna (N’Diaye, son agent, ndlr) me réveille au téléphone. Ce que j’ai ressenti ? Il était 6h30 du mat’ ! Mais bon, j’avoue, cela fait plaisir quand même. Des gens compétents pensent que tu vaux quelque chose, c’est déjà ça. Que tu fais partie des 60 mecs au monde, dans une catégorie d’âge, qui valent la peine qu’on y jette un œil. Après, ce n’est que la draft, c’est rien du tout. Cela ne veut pas dire que tu es un joueur NBA ! Mais les Knicks, c’est un sujet dont je n’ai pas envie de parler... »


Freddy Fauthoux et... devenir un joueur majeur en Pro A

« Fred, il m’a mis vraiment en confiance et je l’en remercie. C’est d’abord un mec bien. Est-ce que je suis sensible à l’humain ? Cela dépend ce que tu entends par là. Je n’ai pas besoin qu’on me berce avec plein de bons sentiments. Mais avec le coach, c’est plus un truc du style : lui donne 100% alors je ne peux pas faire autrement qu’en donner autant. Il m’a accordé sa confiance, le moins que je puisse faire c’est de lui donner raison et puis hop ! C’est comme ça que les choses devraient tout le temps fonctionner. »

Ses rapports avec les coaches et les coéquipiers ? Sur assumer sa différence...

Là, Louis lance un très, très long soupir... On lui dit : « Je t’embête avec mes questions, non ? » Et lui de rétorquer, franco : « Non, franchement ça va. Elles sont un peu travaillées tes questions, ça va. Pas trop connes. Même bien parfois. Elles sont un peu chiantes, mais ça va, tu fais le boulot... » Cash. Toujours.

« Disons que j’essaie d’être plus conciliant maintenant. Moins réactif... Mais c’est chaud à tenir parfois ! Tu sais, en fait, je suis juste animé par un instinct de survie quand je joue. J’ai besoin de donner 120% pour avoir l’impression d’exister. Mais le sport pro, c’est une bonne blague ! Les gens croient qu’on partage tous des valeurs, une amitié virile, tout ça. Mais il ne faut pas croire. Les athlètes pros, ce sont des compétiteurs. La vérité, c’est que dès que tu poses le pied sur un parquet, celui d’en face, c’est ton pire ennemi. En match comme à l’entraînement d’ailleurs, sinon ta place sur le terrain, c’est assis comme un idiot sur le banc de touche ! Le charabia de l’amour entre coéquipiers qui règne dans le sport de haut niveau, tu le prends, tu le plies en 4 et zou ! Direct dans les toilettes ! Cela n’existe pas. Je commence à être dans le sport pro depuis un moment. Mais dans ce milieu, tu n’as pas vraiment d’amis. Tu as des connaissances, tu fais genre on est en bons termes, mais ce sont plus des collègues de bureau...  C’est pas la passion ! »


L’accélération avec le PL, l’équipe de France, la SIG...

« L’équipe de France, non, ce n’était pas vraiment un objectif dès cette saison. En fait, je fonce tout le temps, je donne le max. Et quand ça débouche sur une situation qui se présente à moi, cela déclenche une envie de réussir. Cela me stimule, me donne envie d’être le meilleur possible. En fonctionnant comme ça, je ne suis pas déçu. Plus la situation qui se présente à moi est sympa, mieux je me sens et plus je me défonce... Alors, l’équipe de France, j’ai aussi pris ça comme ça : un stage de survie ! C’était un peu Koh Lanta avec Tillie. On jouait notre place à tous les conseils. Alors on se sourit comme ça, mais il ne faut pas se mentir, l’un veut la place de l’autre ! À l’entraînement, on ne se faisait pas des câlins. Mais je jure que je ne suis pour rien dans sa blessure au pied. Parce qu’une fois sorti du terrain, je suis un garçon courtois. »


Le choix de Strasbourg et l’apport de Vincent Collet...

« Je voulais devenir un vrai poste 4 dans le jeu. Dans la lecture. C’est ça qui m’a poussé à ne pas me reposer sur ce que je sais faire de vraiment bien pour aller chercher, apprendre d’autres choses. À prendre des risques. Signer à la SIG et avoir Collet comme coach, c’était un peu ça : sortir de ma zone de confort pour progresser. Tu sais, je n’attends pas les coaches pour qu’ils me grondent à la séance vidéo quand je déconne. Je me donne à fond, toujours ! Et je crois que je sais faire mon autocritique. C’est tout ! »

La suite ? NBA ? Euroleague ?

« J’ai des désirs d’Europe et de NBA. Je n’ai pas l’air comme ça, mais je suis ambitieux. Mais déjà, si un gros club d’Euroleague me voulait, je serais déjà heureux. Pas pour faire du tourisme hein ! Je n’ai pas besoin du basket pour ça. Mais pour jouer au meilleur niveau possible. »

Le sujet de Tout le Sport du 7 novembre 2017 sur Louis Labeyrie

 

 

par LNB
Source: LNB/FIBA Europe/Le Bien Public
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