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Alternatives & Révolutions
13 mai 2018

IL Y A 50 ANS : 13 MAI 1968, LA CONVERGENCE DE VIENT MAREE HUMAINE - L'Humanité -

Jean-Paul Piérot
Vendredi, 11 Mai, 2018
L'Humanité
13 mai 1968, la convergence
    devient marée humaine

 

Mouvement étudiant contre mouvement ouvrier ? Dix ans après l’avènement au pouvoir de Charles de Gaulle, la manifestation parisienne organisée à l’appel de la CGT marque la jonction des deux et la portée de Mai 68.

Un demi-siècle ! Était-ce le temps nécessaire pour mesurer, hors des caricatures et des simplifications, la portée des événements qui ébranlèrent la France en ce printemps 1968 ? D’un côté, une ébullition dans les facs contre une rigidité des mœurs bridant les libertés, une sorte de fièvre éruptive d’enfants gâtés de la bourgeoisie en rébellion momentanée contre le conservatisme de papa. De l’autre, une vague de grèves et d’occupations d’usines, que la CGT aurait peiné à contrôler et que le Parti communiste aurait finalement sacrifiée à des intérêts politiciens… Cette vision très idéologique qui a prévalu depuis cinquante ans chaque année se terminant par 8, cède enfin le pas derrière une appréciation plus équilibrée : la force des événements de mai-juin 1968 réside dans la jonction de deux mouvements qui à un moment donné ont convergé et modifié le rapport de forces en faveur du monde du travail.

Un climat de violence s’est emparé du pavé parisien

13 mai 1968, une date charnière. Un jour symbolique : dix ans auparavant, c’est le 13 mai que le général de Gaulle sortait de la retraite de Colombey-les-Deux-Églises pour revenir au pouvoir à la faveur du putsch d’Alger, se taillant au passage un régime à sa mesure – la Ve République, qui pèse encore négativement sur notre démocratie. Mais au printemps 1968, des millions de Français se retrouvent derrière ce slogan : « Dix ans, ça suffit ! »

René Piquet, à l’époque le plus jeune membre du bureau politique et du secrétariat du PCF, explique : « C’est à partir de l’initiative de Georges Séguy que le mouvement né au Quartier latin put s’élargir à l’échelle du pays tout entier et imprimer sa marque de classe. » Le 11 mai dès l’aube en effet, le secrétaire général de la CGT décrochait son téléphone et pressait les organisations syndicales de se réunir et d’organiser une manifestation unitaire dès le 13 contre la répression qui s’abattait sur les étudiants.

Du 3 mai, date de l’évacuation de la Sorbonne par la police, jusqu’à la « nuit des barricades » (10 au 11 mai) que la jeunesse de France suit le transistor collé à l’oreille, un climat de violence s’est emparé du pavé parisien. La brutalité des forces de police, qui leur vaudra le slogan « CRS SS », choque la population. On évoque des « ratonnades », héritage de la guerre d’Algérie encore proche. Le Quartier latin, historiquement un territoire dévolu aux étudiants, est devenu un lieu d’arbitraire et d’humiliations. « Les filles sont particulièrement visées : robes déchirées lors des arrestations, coups systématiques au ventre, fouilles au corps dans les cars et au dépôt de Beaujon, qui autorisent toutes les privautés et qui peuvent aller jusqu’aux tentatives de viol, limitées par l’intervention des gradés », écrit l’historienne Michelle Zancarini-Fournel (1).

La journée de manifestations et de grèves du 13 mai se solde par un immense succès. À Paris, le défilé rassemble au moins 600 000 personnes, selon Georges Séguy. Mais surtout, elle est le point de départ d’une vague d’occupations d’entreprises industrielles et d’établissements publics sans précédent. La grève s’est généralisée sur le terrain entre 7 et 10 millions de salariés y prendront part. Le drapeau rouge que l’on voit alors flotter au fronton des usines devient, avec le transistor, l’un des principaux symboles de ce printemps. « Il est incontestable, souligne l’historien Claude Pennetier (1), que l’entrée en lice de l’ensemble de la gauche syndicale et politique changeait la nature du mouvement, car il y avait bien à ce moment précis un mouvement qui s’orientait vers un même objectif, faire plier le pouvoir gaulliste. »

Avec le Front populaire, Mai 68 entre au panthéon de l’histoire sociale

Pourtant, un climat de défiance subsistait entre les communistes, première force à gauche, et un mouvement étudiant, majoritairement issu de la petite bourgeoisie et influencé par des groupes d’extrême gauche se réclamant du trotskisme ou du maoïsme, qui pratiquait alors la « Révolution culturelle » à Pékin. Une ambiance qui trouvait sa traduction sous la plume de Georges Marchais, qui dénonçait dans l’Humanité du 3 mai « les faux révolutionnaires », parmi lesquels « l’anarchiste allemand Daniel Cohn-Bendit ». Mais cette tension n’empêcha pas la nécessaire convergence des luttes des ouvriers et des étudiants, ni le PCF d’y engager son puissant potentiel militant.

Quand, le 13 mai, des centaines de milliers de manifestants convergent pour ne former qu’une seule marée humaine, Mai 68 entre avec le Front populaire au panthéon de l’histoire sociale. Après une année 1967 déjà marquée par de nombreux conflits sociaux, le combat des ouvriers rejoignait la colère des étudiants et débouchait sur un mouvement aux dimensions inégalées. C’est tout cela qui a valu aux événements de mai et de juin 1968 la haine tenace de la droite. Nicolas Sarkozy en fit un leitmotiv dans sa campagne de 2007 : il faut, clamait-il, tourner définitivement la page de 68 qui a « inspiré le relativisme intellectuel et moral ». Laurent Wauquiez, l’actuel patron de LR, voit en 68 « le début de la déconstruction ». Le patronat eut très peur à partir du 13 mai 1968 et dut lâcher de substantielles augmentations de salaire lors des négociations de Grenelle. L’histoire ne se répète jamais à l’identique mais elle livre d’utiles enseignements. En 1968, puis en 1995, lors de la grande grève des cheminots, elle a consacré le rôle de la convergence des luttes comme condition décisive des victoires sociales. On voit mal comment il en serait autrement en 2018.

(1) Dans 68, une histoire collective, la Découverte.
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