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Alternatives & Révolutions
6 juillet 2018

Claude LANZMANN

Dominique Widemann- L'Humanité
Claude Lanzmann, les idées au risque de l’image

 

Le cinéaste et journaliste, disparaît à l’âge de 92 ans. Le réalisateur de Shoah était un homme d’engagements et de controverses.

Claude Lanzmann. Prononcer son nom, c’est susciter en écho une déflagration : Shoah, œuvre d’une vie qui doit se lire comme un tout. Un film terrible sur l’anéantissement des juifs d’Europe, sur l’extermination, sur la radicalité de la mort. Le réalisateur de cette œuvre fondatrice en était hanté. « Un requiem pour six millions d’âmes », titrait l’Humanité lors de sa sortie, en avril 1985. C’est de la mort que parlent les personnages de Shoah. Pas d’échappatoire. Les protagonistes juifs sont des déportés particuliers. Des hommes qui tous appartenaient aux commandos spéciaux et se trouvaient à la dernière étape du processus. Le titre même est un non-titre, un non-nom créé pour faire acte de nomination. Et un acte inaugural de l’historiographie de l’événement. Un événement à la lettre, innommable, selon Claude Lanzmann. Le film fut une quintessence de ce qu’il avait tourné jusque-là. Il en assumera toujours la charge et les conséquences. Et les nombreuses polémiques, dont celle qui devait opposer farouchement l’auteur de Shoah à Steven Spielberg. Lanzmann n’avait guère apprécié la Liste de Schindler. Au-delà des vices et vertus d’un film que nous ne tenons pas à défendre, Claude Lanzmann a toujours affirmé qu’aucune image reconstituée, encore moins une fiction, n’était capable de représenter l’Holocauste. Il voyait dans ces tentatives des parangons d’obscénité. L’interrogation fit retour lors de la sortie du film le Fils de Saul, du cinéaste hongrois Laszlo Nemes. Sélectionné à Cannes en 2015, il y obtenait le grand prix et apporte à nos yeux aux assertions de Claude Lanzmann un démenti qui n’éteint pas les questionnements.

Shoah , un bouleversant documentaire

Du tournage titanesque de Shoah, des douze années de travail acharné, naîtront quelque 350 heures d’images, un film de 9 heures et 10 minutes, et une arborescence qui produira de nombreux fleurons. Le plus récent, les Quatre Sœurs, est actuellement dans les salles de cinéma après une diffusion télévisée. Ces centaines d’heures d’interviews tournées au milieu des années 1970 avec des témoins et survivants des camps de la mort, Claude Lanzmann les appelait ses « trésors ». Après Un vivant qui passe (1997) viendra en 2001 Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures, qui retrace le meurtre d’officiers nazis par des déportés juifs, épisode bouleversant de la Shoah, seule révolte victorieuse dans un camp d’extermination. Puis, en 2010, le Dernier des Injustes, film dans lequel le cinéaste rend justice à Benjamin Murmelstein, le dernier doyen des juifs du ghetto de Theresienstadt. Avec les Quatre Sœurs, il reprend le portrait de quatre femmes rescapées d’Auschwitz, du camp de Lodz ou encore du camp de Sobibor.

Claude Lanzmann était né en 1925 à Bois-Colombes, dans une famille d’origine juive originaire d’Europe de l’Est. En 1943, engagé auprès des Jeunesses communistes, il est interne en hypokhâgne au lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, y organise la résistance avant de rejoindre le maquis. Son père est l’un des chefs locaux des Mouvements unis de la Résistance (MUR). À la Libération, il reprendra ses études à Paris, puis à Berlin, où il sera lecteur de philosophie. L’année 1952 marque un tournant d’importance. Claude Lanzmann rencontre Sartre et Simone de Beauvoir. Il s’engage dans le combat pour l’indépendance de l’Algérie et compte au nombre des signataires du « Manifeste des 121 » qui, en 1960, dénonce la répression coloniale.

En 1986, il dirige les Temps modernes

Avec la même ardeur, il avait défendu la création de l’État d’Israël et prendra fait et cause pour le pays comme en témoigne en 1994 le film Tsahal. Son film Pourquoi Israël devait marquer en 1972 ses débuts de cinéaste. De Sartre, il reçut un véritable choc par la lecture des Réflexions sur la question juive. L’antisémitisme n’avait pas pris fin avec la guerre. Claude Lanzmann entreprend en 1952 un exigeant travail de journaliste dans la revue les Temps modernes, que Sartre avait fondée en 1945. Il en devient le directeur en 1986, après le décès de Simone de Beauvoir, maintenant le lien étroit entre les essais et la littérature.

Avec Simone de Beauvoir, il avait partagé sept ans d’amour et près de quatre cents lettres. Une existence de chair à laquelle Claude Lanzmann donnera corps en 2008 dans son livre le Lièvre de Patagonie, Mémoires qui restituent son approche personnelle des déjà longs temps alors traversés. « Un travail de vérité » qui mène de ses vies amoureuses à ses découvertes de la Chine, de la Corée du Nord, de l’amour encore avec une jeune infirmière de ce pays. Une relation clandestine et furtive sous le joug de la police de Kim Il-sung en 1958. Comme en d’autres lieux, il fera retour sur les traces et, en 2015, le film Napalm en restituera le récit. Grand cinéaste, écrivain, journaliste, intellectuel enthousiaste, Claude Lanzmann avait connu, en 2017, l’épreuve du décès de son fils de 23 ans, Félix. Il se disait « contre la mort » et savait que la sienne pouvait survenir d’un instant à l’autre. D’admirations en controverses, on peut reprendre à son endroit ce que lui-même disait de Sartre : Claude Lanzmann, c’est une œuvre, c’est un tout.

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