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Alternatives & Révolutions
1 septembre 2018

RENCONTRE AVEC DES JEUNES MILITANTS du PCF, de EELV, de La France insoumise et de Génération.s - (Regards) -

Rencontre avec des jeunes militants du PCF, de EELV, de la France Insoumise et de Génération.s pour débattre de la gauche, des élections européennes et d’écologie (entre autres).

 

 

Regards. Qu’est-ce qu’il faut retenir de la démission de Nicolas Hulot du ministère de la transition énergétique mardi dernier ?

Théo Garcia-Badin (Jeunes écologistes). Lorsque Nicolas Hulot explique que son départ est dû en partie au poids des lobbies dans les négociations des politiques écologiques qui sont menées par le gouvernement, c’est très inquiétant ! C’est donc qu’un ministre n’a pas de capacité d’actions. Il y aussi beaucoup d’inquiétudes à avoir pour la suite notamment par rapport à ce que Hulot a exprimé lorsqu’il a parlé de l’impossibilité d’atteindre les objectifs que la France se fixe. On attend de voir qui pour le remplacer mais on se demande vraiment vers quoi on va. Et finalement, peu importe les personnes, la question, c’est quel est la ligne politique, quelle est la feuille de route en matière écologique.

Manon Coléou (Jeunes insoumis). Je ne pense pas que ce soit le ministre qui décide comment on fait de l’écologie. Comme on l’a vu avec Nicolas Hulot qui avait plein de bonne volonté, c’est impossible quand on est dans un système capitaliste, même vert. Ce n’est pas possible de vouloir avancer tant qu’on ne change pas complètement notre manière d’appréhender le monde. C’est tout à la fois la politique, l’économie et notre façon de consommer qu’il faut que l’on revoie et plus seulement envisager le problème de façon individuelle comme on a pu nous le laisser sous-entendre pendant des années. Ça fait longtemps qu’on nous dit « Attention, le réchauffement climatique arrive » et bien aujourd’hui, on y est et aujourd’hui il faut agir. Les politiques, notamment lors de la COP21, ont fait des grands discours et ont dit « il faut faire quelque chose pour empêcher les deux degrés en plus » mais ensuite, rien n’a été fait. Comment fait-on aujourd’hui pour anticiper toutes les migrations dues au réchauffement climatique ? Nous ne sommes pas prêts et c’est la politique à un niveau global qu’il faut changer.

« Les communistes ont besoin d’aiguillons sur la question écologique. Mais sur la question du rapport capital/travail, les communistes ont beaucoup de choses à apporter. » Hadrien Bortot (PCF)

Hadrien Bortot (PCF). Nicolas Hulot qui démissionne, c’est un premier masque qui tombe parce que c’était un symbole de « on peut tout être en même temps », à la fois hyper libéral et faire de l’écologie qui transforme les choses. Nicolas Hulot, il prend le mur des lobbies comme d’autres ont pris le mur de l’argent. On ne peut décidément pas réformer avec des bons sentiments et c’est ce que Nicolas Hulot découvre – en réalité sans le découvrir mardi matin. Mais derrière, il y a une grande question démocratique parce qu’on se rend compte que ce ne sont pas les comportements individuels qui sont en cause et que ça ne sert à rien de charger chacun du poids de la responsabilité du réchauffement climatique. Mais c’est la capacité à mettre en mouvement sur un sujet majeur en posant des questions là où il faut : sur l’énergie, sur le modèle de production, sur la consommation… Voilà des vrais enjeux démocratiques. Et on ne peut pas simplement se contenter du symbole d’un ministre de la transition énergétique qui serait Superman pour que ça change. Non, il faut un mouvement de fond et je crois qu’il n’a pas encore eu lieu parce que les citoyens avalent des couleuvres écologiques qui sont plus inquiétantes les unes que les autres… Tant que ça ne se passe pas à côté de chez soi, on ne réagit pas trop. Pour moi, c’est ça la démission de Nicolas Hulot : l’impossibilité de faire du symbole médiatique le fond d’une politique et l’importance d’un mouvement pour que les choses changent. La question de l’urgence devrait dire aux différents responsables politiques, pas uniquement de savoir comment on est à la hauteur face à l’enjeu mais comment on rend conscient de cet enjeu parce que je pense qu’il n’est pas encore vraiment partagé.

Roxanne Lundy (Génération.s). La première responsabilité des politiques, c’est déjà de relever les défis qui sont les leurs. Bien sûr qu’il y a une responsabilité individuelle quand on parle d’écologie. Mais qu’est-ce que c’est la responsabilité individuelle de ceux qui jettent leur mégot par terre quand à côté de ça, on a des lobbies qui font pression pour limiter les grandes avancées écologiques et qui font en sorte, comme avec Monsanto, de laisser autoriser le glyphosate ? Il y a donc clairement deux poids, deux mesures. Et la démission de Nicolas Hulot est intéressante de ce point de vue : c’est à la fois hyper alarmant parce qu’on a quand même un ministre de la transition énergétique qui est en train de nous dire « Je ne peux rien faire, vous avez voté pour un président de la République qui disait quand même qu’il ferait de l’écologie parce que c’était important ». En réalité, il se contente d’un peu de greenwashing, ça va très bien avec la start-up nation, et à côté de ça, il n’y a rien qui est mis en place pour relever les grands défis écologiques. Nicolas Hulot est un militant écologiste – et je pense qu’il est sincère, il en a fait une cause importante pour laquelle il a milité toute sa vie – mais il n’y avait aucun doute quant au fait que le libéralisme d’Emmanuel Macron n’était pas compatible avec une politique écologique. Le libéralisme, c’est le pouvoir de l’argent, c’est le pouvoir des lobbies ! Et les lobbies comme Monsanto n’ont pas intérêt à mettre en œuvre la transition écologique. Donc bien sûr, il y a une responsabilité individuelle importante mais la première question, c’est comment on change notre modèle de société, les paradigmes, Nicolas Hulot l’a dit, pour sortir du culte de la croissance à cause duquel on reste aujourd’hui dans un rythme de production effréné avec une consommation énergétique absolument incroyable. Alors comment on fait pour sortir de cette société du tout-commercial, du tout-marché et du tout-pouvoir des puissants pour entrer dans une société qui vraiment a à cœur l’écologie ?

Théo Garcia-Badin (Jeunes écologistes). Il y a des mesures radicales à prendre dès maintenant comme, par exemple, arrêter de financer les énergies fossiles qui sont de grosses émettrices de gaz à effet de serre, engager la sortie du nucléaire – et il y a des scénarios qui existent déjà, élaborés par des scientifiques et des associations –, changer nos modes de production agricole qui sont aujourd’hui extrêmement polluants et injustes dans la mesure où il y a une concentration importante d’agriculteurs puissants au détriment des petits paysans et des pays du sud… Il y a plein de mesures qui existent et qui sont proposées par les écologistes pour commencer la transition écologique. On est dans une phase d’extinction des espèces et de réchauffement climatique. Certes, ça touche aujourd’hui principalement d’autres pays donc on se sent moins concernés mais l’enjeu, c’est de réfléchir à la façon dont on va produire la nourriture de demain – et cette question-là, elle nous touche directement. On n’a quasiment pas d’autonomie alimentaire en France alors qu’on est un des pays les plus producteurs de céréales donc ça pose des questions sur l’organisation des moyens de production alimentaire. Et avec l’épuisement des sols et la désertification, la question de se nourrir devient primordiale – et donc celle de l’avenir de l’humanité.

Regards. Vous appartenez tous les quatre à des formations politiques dont les responsables ont eu ou ont toujours des rôles dans des exécutifs locaux ou nationaux et pourtant, ça n’a jamais été autre chose que la politique des petits pas. Comment vous l’expliquez ?

Manon Coléou (Jeunes insoumis). Déjà, la France insoumise, ça n’existe que depuis deux ans et demi donc c’est compliqué donc on n’appartient pas vraiment à des collectivités…

Roxanne Lundy (Génération.s). Oui enfin comme Benoît Hamon dans ces cas-là !

Manon Coléou (Jeunes insoumis). Après, souvent, quand on est dans l’opposition, on ne peut pas faire grand-chose même si je dois reconnaitre qu’à la région Ile-de-France, en 2014, le Front de Gauche et le Parti de Gauche alternatif avaient passé la région hors TAFTA alors que ce n’était pas la ligne de la région à ce moment-là.

Théo Garcia-Badin (Jeunes écologistes). Les écolos avaient quand même la moitié des sièges…

Manon Coléou (Jeunes insoumis). Ils ont voté pour mais ce n’était pas eux qui l’avaient proposé et la majorité s’est abstenue sur la question. Mais effectivement, il faut qu’on prenne le pouvoir pour pouvoir changer les choses parce que quand on ne l’a pas, on ne peut pas. Et à ce moment-là, avoir un lien internationaliste, c’est très important parce que changer les choses, ça ne peut pas se faire tout seul. Pour pouvoir lutter contre les lobbies, lutter concrètement sur le terrain, il faut avoir le pouvoir. Après, le pouvoir, ça peut se construire localement sous forme d’auto-organisation ou auprès des élus locaux : il y a plein d’alternatives qui sont mises en place par des élus localement.

« Aujourd’hui, on est dans une gauche beaucoup plus radicale qui a compris qu’on ne pouvait pas se complaire dans le libéralisme et qu’il fallait absolument rompre avec lui. » Roxanne Lundy (Génération.s)

Théo Garcia-Badin (Jeunes écologistes). Il faut aussi dire que l’on a toujours été des groupes minoritaires dans une majorité sans rapport de force et du coup, sur les arbitrages, on ne peut rien. Donc un moyen de changer ça, c’est, au niveau national, un changement de République, des élections proportionnelles où là, on peut mettre en place un rapport de force qui nous permettra de négocier des choses.

Roxanne Lundy (Génération.s). Moi, je vais être plus radicale : la prise de conscience de l’écologie est très récente mais il ne suffit pas de mettre simplement quatre ou cinq éoliennes par-ci, par-là. C’est bien sûr nécessaire mais il faut surtout aller beaucoup plus loin. Je pense que le problème est plus général : c’en est fini de la politique des petits pas. C’était la théorie d’une social-démocratie qui s’est complètement écroulée parce qu’on a vu qu’elle avait été incapable de surmonter le problème du libéralisme. Aujourd’hui, on est dans une gauche beaucoup plus radicale qui a compris qu’on ne pouvait pas se complaire dans le libéralisme et qu’il fallait absolument rompre avec lui. Et cette rupture, c’est aussi une transition vers un modèle éco-socialiste.

Hadrien Bortot (PCF). Je crois aussi que localement, il y a quand même pas mal de trucs qui se font et qui sont intéressants. Par exemple, l’utilisation de la géothermie. Dans la banlieue rouge, la géothermie, ça fait des années que c’est en place : à Fontenay, à Grigny… C’est une écologie populaire qui sort une partie de la population de la logique du marché, notamment de la vente de gaz, par la création de sociétés locales qui prenaient en charge un service public de l’énergie. Alors la stratégie des petits pas, elle n’est pas bonne, elle est dépassée mais le travail sur la sortie de la logique du marché de pans entiers de la société, ça peut se faire tout de suite. Et il y a un autre exemple important : l’eau à Paris. Elle est publique – et c’est une volonté de la majorité. Tous les groupes qui siègent au conseil de la régie de l’eau sont très heureux de cet outil qui permet de diminuer les prix et de préserver la ressource. A toutes les échelles il y a des leviers et il faut s’en servir. L’exigence des citoyens doit monter sur ces sujets auprès des élus locaux aussi parce qu’ils ne sont pas exempts de pressions par des lobbies.
regards. La rentrée est chargée pour la gauche. Certains d’entre vous ont organisé leurs universités d’été. Que faut-il en retenir, comment va la gauche et quels sont les principaux enjeux pour vous ?

Manon Coléou (Jeunes insoumis). À la France insoumise, ça fait deux ans et demi que l’on existe et on a tenu notre deuxième université d’été. On a su montrer qu’on était la première force d’opposition et de propositions : on a organisé une université d’été ouverte, du Nouveau parti anticapitaliste jusqu’aux Républicains, on a pu discuter et voir en quoi on n’était pas d’accord et en opposition face au gouvernement. Les enjeux pour la rentrée, ça va être de rester la première force d’opposition, à la fois sur les mouvements sociaux qui s’annoncent, liés notamment à la réforme des retraites et du chômage. Mais aussi sur les problématiques écologiques ! On reste ouverts donc, pour les élections européennes notamment. On a une liste qui reste ouverte à tous ceux qui veulent nous rejoindre et qui veulent être l’opposition à Macron avec nous. On sera toujours plus fort si on est plus nombreux.

« Quand je parle de fédérer le peuple, je fais clairement la distinction entre les riches et les pauvres. » Manon Coléou (Jeunes insoumis)

Théo Garcia-Badin (Jeunes écologistes). À Europe-Ecologie-Les Verts, on a mis à nu plusieurs enjeux : la question des européennes, celle du glyphosate puisque qu’EELV est en train de soutenir des agriculteurs qui portent plainte pour faire ce qui a été fait aux Etats-Unis au niveau français. On a aussi, avec dix familles, assigné le Parlement européen et le Conseil de l’UE pour inaction sur les enjeux climatiques avec l’idée d’imposer à l’Europe d’adapter sa législation aux engagements des pays européens au moment de la COP21. Il y a aussi notre mobilisation contre les grands projets inutiles : le contournement de Strasbourg, Europacity, le canal Seine-Nord… Et puis notre mobilisation contre toutes les réformes sociales qui s’annoncent : la réforme des retraites, le plan pauvreté qui avait été reporté pour cause de Coupe du Monde et la réforme de la chasse qui nous inquiète particulièrement puisque la France est déjà très en retard sur cette question-là, nous risquons de retourner encore plus en arrière. D’ailleurs, sur cette question, on attend un soutien de nos partenaires de gauche dans la mesure où on n’est pas au Parlement. Tout comme la condition animale, il y a beaucoup d’absences des communistes au moment des votes...

Hadrien Bortot (PCF). Nous aussi, on avait une université d’été à Angers même si notre vraie rentrée politique, c’est dans quinze jours avec la Fête de l’Huma. C’est un moment important puisque c’est souvent le lieu où la gauche se rencontre, se voit et discute voire travaille ensemble. Je pense que l’urgence, elle est sur le vote du budget qui arrive avec 51 milliards d’euros de cadeaux aux entreprises. Ça pose une vraie question d’appauvrissement d’un côté des classes les plus populaires, des gens les plus fragiles : les retraités, les personnes bénéficient d’allocations logement, d’allocations familiales. Et d’un autre, ce cadeau, différé pour ne pas choquer tout de suite, mais qui est encore plus gros que celui qu’avait fait Hollande – et c’est un argent dont on sait très bien l’inutilité après l’échec du CICE : 20 milliards par an, 100.000 emplois, sûrement les emplois aidés les plus chers de l’histoire. Un mot quand même sur la condition animale. Je suis un peu hétérodoxe sur la question mais il y a quand même des avancées notamment au Parlement européen, les votes ont été de la part des députés communistes et du Front de Gauche, dans le bon sens. Les organisations politiques ont aussi besoin d’une prise de conscience des enjeux et il y a des progrès ! Enfin, notre dernière actualité, c’est le Congrès qui doit avoir lieu en novembre. Et de nombreuses avancées y sont attendues parce qu’il y a un logiciel qui doit être réécrit.

Théo Garcia-Badin (Jeunes écologistes). Il faut vraiment qu’il soit réécrit vite le logiciel parce que, sur les votes, les communistes étaient absents sur tout ce qui était encadrement de l’élevage, des caméras dans les abattoirs… Donc s’il y a eu des avancées, ce n’est pas grâce aux communistes. Et sur la chasse, les amendements qui proposent de lever l’interdiction de la chasse à la colle ont été votés par André Chassaigne et par d’autres députés de son groupe.

Roxanne Lundy (Génération.s). On a organisé à Grenoble la convention nationale de Génération.s le 1er juillet donc on a fait le choix de se réunir au début de l’été plutôt qu’à la fin. C’était un grand moment de rassemblement où nous avons eu de nombreux débats avec des formats très participatifs. Pour autant, nous sommes très mobilisés sur la rentrée. Nous avons un mot d’ordre, avec notre grand tour de France et d’Europe : la fraternité. On estime que dans ce paysage politique, avec une rentrée sociale qui promet d’être mouvementée et des attaques d’un président qui n’aime pas les pauvres – ça ressemble de plus en plus à un vrai racisme social –, il est urgent d’élargir la mobilisation qui a commencé au printemps dernier. Les sujets sont nombreux, notamment au niveau européen, avec la Méditerranée qui continue d’être un vaste cimetière. On fait tout pour être au plus près du terrain, pour apporter des débouchés politiques à celles et ceux qui se mobilisent dans le secteur associatif : il y a le soutien aux exilés mais aussi en matière écologique avec plusieurs déplacements aux côtés de L214 sur la maltraitance et la souffrance animale. On reste donc mobilisés contre la politique de Macron mais il est important de dire aussi que nous ne sommes pas de gauche uniquement pour faire de l’anti-Macron. Ca en fait partie mais l’objectif c’est aussi de recréer l’espoir et d’aller chercher ceux et celles qui se sont abstenus aux dernières élections parce qu’ils ne croient plus dans la politique. Il faut faire en sorte d’inventer de nouvelles manières de faire de la politique et d’aller sur le terrain pour recréer une envie de gauche.
 
Regards. Comment elle va la gauche justement ? Est-ce que vous vous dites encore de gauche ?
 
Manon Coléou (Jeunes insoumis). Bien sûr que je suis de gauche. Je pense que l’enjeu, c’est avant tout de relayer les colères qui viennent du peuple. Donc pour nous, la priorité, c’est pas simplement de reconstruire la gauche, c’est de fédérer le peuple et partir des colères des gens. C’est ce que nous faisons en inventant des nouvelles formes d’auto-organisation. On va à la rencontre des gens pour structurer et faire progresser les luttes locales, au plus près des préoccupations des populations en souffrance. Comme à Marseille, dans une école totalement délabrée où il a fallu repeindre l’école parce que la mairie ne faisait pas son boulot. Pire, elle abandonne ses services publics. Ou comme à Paris, porte de la Chapelle, on accompagne les gens sur les questions d’insalubrité, de propreté, on les aide à se mobiliser. C’est un enjeu central : sensibiliser et mobiliser sur la base de la colère des citoyens. C’est à eux de prendre les combats en main. Ensuite, l’autre enjeu, c’est l’agrégation des luttes, comment on parvient à les faire se rencontrer pour converger ? Ça ne suffit plus d’agréger la gauche et d’avoir des débats entre nous. Ça ne nous fait pas avancer. Et nous ne sommes pas au pouvoir. Pour cela, il nous faut porter, penser et développer un discours dans lequel tout le monde se retrouve. C’est pour ça qu’il est question du peuple plus que des organisations politiques. En revanche, nous assumons de porter un programme de gauche : la VIème République, l’écologie, l’éco-socialisme, ce sont des thèmes qui appartiennent à la gauche.

« L’enjeu, c’est de construire un projet écologiste dans le cadre d’une écologie de rupture. » Théo Garcia-Badin (Jeunes écologistes)

 
Roxanne Lundy (Génération.s). Moi je ne sais pas ce que ça veut dire “fédérer le peuple”. Je ne sais pas ce que c’est “le peuple”. C’est une divergence fondamentale. Le peuple, j’en fais partie et Macron aussi. Bien sûr, il fait partie des riches mais il fait aussi partie du peuple. Nous avons là un désaccord stratégique avec la France Insoumise. Dans le peuple, il y a des intérêts divergents. Et je considère que parce qu’il y a des intérêts divergents, il y en a qui auront intérêt à voter à droite parce qu’ils ont une conception qui les pousse vers le conservatisme. Ils sont, pour certains d’entre eux, des traditionnalistes qui empêchent par exemple la transition énergétique. Et de l’autre côté, il y a des gens qui ont tout intérêt à bousculer l’ordre établi, à dénoncer les inégalités, que ce soit pour des raisons matérielles ou idéologiques. Mais je considère que c’est ce tout qui forme le peuple. Ce que je veux fédérer, moi, c’est celles et ceux qui ont une vision résolument progressiste contre les inégalités et faire en sorte, qu’ensemble, on arrive au pouvoir pour porter une perspective politique.
 
Manon Coléou (Jeunes insoumis). Quand je parle de fédérer le peuple, je fais clairement la distinction entre les riches et les pauvres. On parle évidemment de l’intérêt collectif, de l’intérêt général. Quand je parle du peuple, c’est des gens qui ont besoin que le monde change. Et quand tu vas vers ces gens-là, ils ne vont pas te parler de rassemblement de la gauche, ils veulent que les choses changent. Et puis il n’y a pas que d’un côté les gens de gauche et de l’autre les réactionnaires. Il y a aussi les gens qui sont totalement dépolitisés et qui pensent que la politique n’est pas pour eux et c’est aussi à eux qu’il nous faut nous adresser.
 
Hadrien Bortot (PCF). Moi, je crois que la gauche va mal parce qu’elle a été bouleversée par l’arrivée au pouvoir de Macron qui a éclaté l’échiquier politique. La gauche est en état de balkanisation. Chacun reste dans son pré carré sans jamais vouloir en sortir, dans des logiques qui sont des logiques très souvent hégémoniques. Et je pense que c’est nouveau. La logique populiste ne me convient pas parce qu’elle ne pose pas le vrai problème. Le vrai problème, c’est que l’intérêt du plus grand nombre n’est pas celui qui prévaut aujourd’hui. Et il ne s’agit pas juste de renverser la table. Sur la question écologique par exemple. La gauche devrait plutôt se concentrer sur la manière dont elle peut recréer un espoir. J’étais dans la rue les 5 et 26 mai derniers. C’était des moments politiques importants pour tout une partie de la gauche. Et on ne peut pas dire que les militants politiques, syndicaux et associatifs, qui font partie de cette gauche qui se mobilise au quotidien, qu’ils représentent à eux seuls le peuple. Je crois au contraire que cette énergie-là doit être fédérée, pas simplement pour les unir mais pour travailler dans une même direction. Il y avait il y a quelques mois dans les locaux de Regards, la députée PCF Elsa Faucillon évoquait l’idée de reconstruire une coloc’ où chacun garde son “chez soi” mais où tout le monde travaille ensemble. Pour que les idées de gauche progressent. Parce que les communistes ont besoin d’aiguillons sur la question écologique. Mais inversement, sur la question du rapport entre le capital et le travail, les communistes ont beaucoup de choses à apporter. Et cette gauche, si elle ne s’écoute plus, si elle ne débat plus, si elle n’a pas de lieux de convergences, le peuple de gauche va rester chez lui. Il est déjà resté chez lui aux législatives. Les classes populaires ont beaucoup moins voté que les autres et les résultats ont été très mauvais pour l’ensemble de la gauche. Nous aurons, je suis sûr, plein d’occasions dans les semaines qui arrivent pour nous retrouver. Dans les luttes notamment. S’il n’y a pas, très vite, le grand débordement dont parle le député LFI François Ruffin, on continuera le ronron et l’opposition à Macron restera à l’état de 15-20% de la population.
 
Théo Garcia-Badin (Jeunes écologistes). Je pense qu’il faut des ponts entre les différentes sensibilités de la gauche et les écologistes. Après, l’enjeu, ce n’est pas de reconstruire la gauche du XXème siècle. L’enjeu, c’est de construire un projet écologiste dans le cadre d’une écologie de rupture. Or aujourd’hui, on voit bien qu’il y a des paradigmes à changer chez beaucoup de partenaires traditionnels de la gauche. Et pour moi, tant que ce changement nécessaire n’interviendra pas, il n’y a pas d’intérêt à construire une gauche. Puisqu’elle ne répondra pas au grand défi climatique.
 
Regards. A-t-on besoin d’Europe ? Quel projet commun pour la gauche ? Est-ce possible ? Souhaitable ? Et avec qui ?

Hadrien Bortot (PCF). Est-ce qu’il faut plus d’Europe ? Je ne pense pas qu’il faille plus de cette Europe-là. Je suis internationaliste. L’idée européenne est d’abord une bonne idée mais ce qu’on en fait, c’est-à-dire un outil du capitalisme – où les lobbys ont champ ouvert partout à Bruxelles notamment –, cette Europe-là, plus personne n’en veut. Dans sa tribune au Monde, Ian Brossat qui est chef de file des communistes pour les européennes, disait qu’il faut une troisième voie entre la fermeture populiste de droite et un progressisme libéral qui dit qu’on devrait tout accepter parce que c’est l’Europe. Cette troisième voie, nous devons l’incarner. Parce que nous ne pouvons accepter cette vision d’une Europe qui investit des milliards pour protéger nos frontières, avec des barbelés et des gens qui meurent dans la Méditerranée. Cette Europe est en échec. Les frontières sont des passoires et sont dangereuses. La logique des grands géants du net comme Uber, qui se tournent vers l’Europe quand son action est bloquée localement à Paris, Barcelone, Amsterdam ou ailleurs, ce n’est plus possible. L’Europe n’est pas une idée du passé. Simplement, il faut la revitaliser et que la gauche lui donne un nouvel élan. Depuis les années 80, le Parti socialiste s’est fondu dans la logique libérale de l’Europe, de ses traités, de Maastricht, et tout a été validé par ce parti, qui dominait la gauche. Donc aujourd’hui, il nous faut inventer un modèle qui tienne compte des erreurs du passé tout en nous permettant de construire l’Europe sur la base de nos idées. Et cela passe nécessairement par une convergence des luttes. Mais aussi une convergence politique. 
 
Regards. Ian Brossat a déclaré cette semaine qu’il « irait jusqu’au bout (…) » parce qu’il « n’est pas question d’attendre que tout le monde soit d’accord pour entrer en campagne… »
 
Hadrien Bortot (PCF). Ian est un très bon candidat pour le parti communiste. Il est aujourd’hui chef de file mais il ne dit pas que la porte est fermée. Il dit, et il a raison, que tout le monde affute en ce moment ses armes et ses couteaux. Et c’est bien normal. C’est vrai aussi qu’il y a une peur des communistes de n’avoir rien de prêt le moment venu, un peu comme en 2017 lors du choix du vote sur le candidat à la présidentielle. Nous n’étions pas prêts. Ian est donc candidat pour ça. Et je le redis à mon tour, la porte reste toujours ouverte. Mais il nous faut quand même aller convaincre, aller rencontrer les gens. Et ça n’est pas le 1er janvier prochain qu’il faudra s’y mettre, c’est dès maintenant. Les enjeux sont trop importants quand on voit ce qui arrive en Hongrie ou en Italie avec la montée des populismes, de l’extrême droite. Il nous faut donc casser cette logique réactionnaire et porter un espoir nouveau pour l’Europe.
 
Roxanne Lundy (Génération.s).  Avant tout, je pense que c’est important de dire que la question européenne est centrale à gauche, notamment parce qu’il y a des désaccords et qu’il ne faut pas les nier. Il y a celles et ceux qui préfèrent renoncer à l’Europe plutôt que de renoncer à la gauche. Et il y a celles et ceux qui préfèrent renoncer à la gauche plutôt que de renoncer à l’Europe. Et je refuse que le débat aux élections européennes soit polarisé entre les pro- et anti-Europe. L’Europe est un cadre : quand je me bats pour les droits des travailleurs et des travailleuses, je le fais en France mais aussi en Pologne. Quand je me bats pour les droits des femmes, je le fais autant pour l’Espagne que pour l’Italie. Et quand je me bats pour les exilés, je le fais de manière globale. Je pense que les grands défis à gauche nécessitent une réponse qui doit être européenne. La question écologique ne s’arrête pas aux frontières de la France. L’Europe peut et doit apporter des solutions en matière écologique mais aussi en matière de justice fiscale, de lutte contre l’évasion fiscale et sur l’accueil des exilés. L’échelle européenne me parait la plus pertinente pour proposer des réponses. Pour autant, on s’est fait confisquer le projet européen par une bande de libéraux qui ont justifié un ensemble de choix très politique. C’est un choix politique que celui de promouvoir le libéralisme. C’est un choix politique que celui d’étouffer la Grèce. C’est un choix politique que celui d’imposer l’austérité ou la règle absurde des 3% de déficit. Des choix politiques qu’on voudrait faire passer pour des recommandations ou des expertises. Ils ont réussi ce glissement sémantique dans l’inconscient collectif. Et maintenant, dès qu’il se passe quelque chose qui ne nous plait pas on nous répond : « non mais attendez, on n’y est pour rien, ça nous est imposé par Bruxelles. » Il faut quand même revenir à la racine. Qui a décidé ? Qui a du poids en Europe ? Le Conseil européen n’est composé que des membres des gouvernements et des chefs d’Etat des Etats-membres. Il faut sortir donc de ces discours démagogiques. Dans ce débat, nous devons incarner un espace de convergences partout en Europe, écologiste, socialiste, féministe, antiraciste, qui permettrait d’apporter des réponses à la hauteur des enjeux. La crise de la social-démocratie et l’effondrement des partis traditionnels qui se sont compromis dans le libéralisme, a fait émergé des mouvements nouveaux qui sont profondément écolos. Nous avons vocation à travailler ensemble pour imposer un nouveau rapport de force. Et l’urgence, elle est là. Il nous faut repolitiser l’Europe. Et de montrer que ça a des conséquences concrètes sur la vie des citoyens européens. Quand on parle des élections européennes, je ne suis pas favorable à l’idée de faire un référendum pro- ou anti- Macron. J’ai une autre ambition pour l’Europe : c’est de mettre en place un revenu universel européen ou de s’attaquer directement aux paradis fiscaux. Et seule une grande coalition peut porter cette ambition.
 
Théo Garcia-Badin (Jeunes écologistes). L’idée c’est quand même de relancer l’Europe en proposant une offre alternative. Entre la synthèse libérale de Macron qui nous conduit dans le mur que ce soit socialement ou écologiquement et le populisme qui conduit au repli des peuples, nous on pense qu’il y a une troisième voie. Nous sommes profondément européens. On pense que l’Europe peut être un levier pour accompagner la transition écologique et promouvoir un autre modèle de développement. On a vu que même si ça n’a pas fonctionné, l’Europe a parfois été utile. C’est le cas de la pêche en eau profonde par exemple, un combat que les écologistes ont porté. Sur le glyphosate par exemple, la position du Parlement européen est parfois plus intéressante que certaines positions nationales, comme c’est le cas en France par exemple. 
 
Regards. Nicolas Hulot, tête de liste d’EELV pour les européennes, c’est souhaitable ?
 
Théo Garcia-Badin (Jeunes écologistes). Non. Je pense qu’il a besoin de se reposer et par ailleurs, on a véritablement besoin d’une écologie de rupture, ce qu’il n’incarne pas.

Regards. La France Insoumise a d’ores et déjà bien avancé sur ses listes aux européennes. C’est quoi l’enjeu pour vous ?
 
Manon Coléou (Jeunes insoumis). Je suis internationaliste. Et dans l’internationalisme, il y a la solidarité et toutes les questions de justice, de politique migratoire ou fiscale. Mais dans les combats qui sont les nôtres, il y a la nécessité de ne pas se laisser imposer les lois par des lobbies qui ne sont là que pour défendre leurs intérêts privés et financiers. Il y a la nécessité d’inventer une nouvelle manière de faire de la politique en Europe, avec plus de coopération et de partage entre les pays qui veulent que ça change réellement. Aujourd’hui, la France Insoumise est dans la construction d’un mouvement qui s’appelle Maintenant le Peuple, avec désormais six alliés, européens. Nous discutons encore avec deux autres mouvements politiques européens qui pourraient nous rejoindre. Il faut bien avoir en tête que pour avoir un groupe au Parlement européen et donc peser sur les choix stratégiques et politiques, il faut avoir un quart des Etats-membres et 25 députés. Donc l’objectif pour nous, c’est de construire ce groupe. Et qu’il ait une cohérence politique comme nous l’avons fait à l’Assemblée nationale avec nos 17 députés. Donc pour nous, il ne s’agit pas simplement d’un référendum contre Macron et sa politique, mais de construire une alternative politique à cette Europe libérale.

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