Et s’il s’agissait d’un tournant dans la saga infernale du Brexit ? Le dirigeant du Labour pourrait soutenir l’idée d’un nouveau référendum. Alors que le congrès annuel du parti s’est ouvert dimanche à Liverpool, Jeremy Corbyn a indiqué qu’il respecterait la «volonté démocratique» des membres du Labour sur cette question. Un sondage YouGov publié le même jour dans The Observer indique que 86 % des membres de l’organisation travailliste souhaitent s’exprimer sur l’accord final du Brexit. Une motion en ce sens devrait être présentée au vote des militants mardi. Et si c’est le cas, elle sera probablement adoptée. Dimanche, lors d’une manifestation à Liverpool qui a réuni des milliers de militants, les participants réclamaient, au milieu d’une marée de drapeaux européens, un «vote du peuple». Hurlant : «Tu nous entends Jeremy ?»

Coude-à-coude

Or si le Labour se prononce en faveur de ce nouveau référendum, le rapport des forces pourrait basculer au Royaume-Uni. Depuis le vote de 2016, les travaillistes apparaissent aussi divisés que les conservateurs sur la stratégie à adopter et le type de Brexit souhaitable. Corbyn, qui a voté pour le maintien dans l’UE, n’a jamais caché son euroscepticisme. Depuis des mois, il ménage la frange du Labour en faveur du «leave» en refusant de soutenir un second vote et en brouillant les cartes.

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Si la gestion du Brexit par le gouvernement May est critiquée dans les sondages, le Labour ne décolle pas pour autant dans les intentions de vote. Les deux partis sont au coude-à-coude, avec 35 % d’intentions de vote. Or, selon YouGov, si le Parti travailliste soutenait la tenue d’un référendum, il pourrait gagner plus d’1,5 million de votes et remporter une soixantaine de sièges supplémentaires en cas d’élections anticipées. Aujourd’hui, 90 % des membres se prononceraient pour rester au sein de l’UE en cas de nouveau référendum… si la question posée comprenait ce choix. Ce qui n’est pas acquis. Len McCluskey, leader de Unite, deuxième plus grand syndicat britannique, a estimé que la question de rester au sein de l’UE devrait être exclue de tout second référendum. Le scrutin pourrait appeler uniquement à se prononcer sur le type d’accord obtenu - si un accord est conclu - par May. «Voyons ce qui sort du congrès. Mais bien entendu, je suis lié par la démocratie de notre parti», a déclaré Corbyn à la BBC, avant d’ajouter que sa préférence allait à «des élections générales». La question d’un scrutin anticipé est de nouveau d’actualité après le fiasco du sommet européen de Salzbourg de la semaine dernière.

Les plus «brexiters» du Parti conservateur veulent se débarrasser de May, jugée trop modérée, voire franchement incompétente. Selon le Sunday Times, Downing Street considérerait sérieusement des élections anticipées en novembre pour essayer de couper l’herbe sous le pied des anti-May. Mais le ministre du Brexit, Dominic Raab, a affirmé que ces rumeurs étaient «sans fondements».

Programme

Autre hypothèse : le rejet par le Labour de tout accord ramené par May au Conseil européen d’octobre. Avec, dans la foulée, le déclenchement d’un vote de confiance contre la Première ministre. «Nous verrons ce qui arrivera, mais nous sommes absolument prêts», clame Corbyn, qui doit rencontrer ce lundi Jean-Luc Mélenchon à Liverpool. Au cours du congrès, le dirigeant du Labour entend se présenter comme un Premier ministre aux portes du pouvoir, prêt à gouverner et «à négocier de manière plus intelligente» avec l’UE. Et le parti va annoncer un programme qui ressemble fort à un manifeste électoral : renationalisation du rail, du secteur de l’énergie et de la poste, taxe sur les propriétés secondaires pour financer le logement des sans-abri, obligation pour les entreprises de plus de 250 salariés de réserver un tiers des sièges du conseil d’administration aux employés… La liste des mesures est dense. Encore faut-il que la polémique sur le Brexit et celle sur l’antisémitisme - qui a empoisonné le Labour ces derniers mois - lui laissent un peu de place dans les débats.