(Retrouver l'intégralité de l'enquête dans "le Nouvel Observateur" du 27 octobre 2011)
L’ambiance est tendue, ce 15 juin 2008, quand les émissaires de Nicolas Sarkozy entrent dans le bureau de Bachar al-Assad à Damas. Un mois plus tard, le dictateur, si longtemps persona non grata à Paris, doit assister au défilé du 14-Juillet. Sa présence provoque déjà la polémique.
Afin d’adoucir les critiques, les Français ont mission de lui arracher un geste : la libération d’une poignée de prisonniers politiques malades. Comment lui, que plus personne ne reçoit, pourrait-il regimber ? Pourtant, d’un revers de main, le raïs refuse. "Ce fut un non net et brutal", confie l’un des émissaires élyséens, Boris Boillon, à un diplomate américain. Ce dernier interroge alors le Français : après une telle rebuffade, le président Sarkozy va-t-il annuler l’invitation ? Finalement, non. Boillon, gêné : "Nous ne ferons pas de la question des droits de l’homme une condition."
Sarkozy a couvé l'homme de Damas comme personne
Cette conversation révélée par Wikileaks en apporte une preuve accablante : avec les tyrans arabes,Nicolas Sarkozy s’est renié, abandonnant sans combattre les grands principes brandis pendant la campagne électorale. A sa décharge, avec Moubarak, Ben Ali et Kadhafi, il n’a pas été le seul chef d’Etat occidental à se compromettre. Mais le cas de Bachar al-Assad est différent. C’est le président français – et lui seul – qui a organisé le retour en grâce du Syrien, chef de l’un des pires régimes de la planète, dans la communauté internationale.
Depuis, pendant plus de trois ans, contre l’avis d’une grande partie du Quai d’Orsay, il a couvé l’homme de Damas comme personne, le recevant à plusieurs reprises avec tous les honneurs. En dépit des condamnations d’opposants, des tortures dans les prisons, des massacres.