Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Alternatives & Révolutions
10 janvier 2014

Le Chiffon rouge (PCF Morlaix) Etat des

Le Chiffon rouge (PCF Morlaix)

 

 

Questions à Patrick Le Goas, ex salarié à Gad Lampaul Guimiliau, syndicaliste FO et élu du personnel.

 

 

 

 

Qui est responsable selon toi de la crise de l'agro-alimentaire breton et des licenciements en série?

Le principal responsable, c'est le dumping social, organisé par le gouvernement Merkel en Allemagne et par la dérèglementation qu'ont imposée les libéraux en Europe pour mettre en concurrence les travailleurs.

Ensuite, il y a la mauvaise gestion des patrons de l'agro-alimentaire qui ont voulu faire un maximum de profits pour un minimum d'investissements. On gave les actionnaires et on fait suer le burnous. Beaucoup de salariés de l'agro sont des bretons ruraux qui veulent rester vivre au pays et sont souvent (mais pas toujours) peu diplômés, la moitié peut-être des salariés sont arabes, blacks, asiatiques. Des gens qui n'ont pas le choix, qui acceptent de prendre des boulots « de merde » sous-payés. Ou qui acceptent la précarité et d'être mieux payés en intérim: 1300€ pour un CDI, 1800€ pour un intérimaire. J

usqu'à quand? Maintenant, on a de nombreux exemples d'entreprises agro-alimentaires bretonnes qui pour augmenter leurs profits emploient des travailleurs roumains détachés, gérés par des agences d'intérim, des prestataires de service étrangers domiciliés en Roumanie, à Malte ou à Guernesey.

Chez Jean Floch, on sait qu'il y a des roumains qui bossent pour 800€, sans avoir la couverture de la protection sociale française. On les rapatrie chez eux s'ils sont victimes d'un accident du travail, en s'évitant la déclaration à la médecine du travail.

 

Qu'est-ce qui n'a pas été fait pour sauver les emplois dans l'agro-alimentaire finistérien, et notamment les 850 emplois de Gad?

Tout d'abord, il y a une mesure que les syndicats réclament depuis longtemps et qu'aucun gouvernement n'a eu le courage de mettre en œuvre: c'est une traçabilité des fonds publics investis dans les entreprises privées. Si on n'avait réinvesti par exemple ne serait-ce que la moitié des restitutions perçues par Doux ou Tilly (avant peut-être l'arrivée de Sauvaget) dans l'outil de travail local et l'investissement productif, on n'en serait pas là. Au lieu de cela, Doux a fait des opérations financières au Brésil, et l'actionnaire s'est gavé d'argent public européen. Il y a deux ans, nous avons fait en tant que responsables syndicaux de GAD le tour de différents représentants politiques pour alerter sur le risque encouru à Gad avec la mauvaise gestion de la CECAB et les problèmes d'approvisionnement en cochon et de concurrence déloyale allemande.

Rien n'a été fait: ni par Agnès Le Brun, ni par les responsables PS.

Au niveau européen, il y a tout de même l'avancée récente de l'instauration d'un SMIC en Allemagne. Mais le gouvernement, Sapin et Le Foll en tête, avait, pour ce qui concerne GAD, la possibilité de faire pression sur la CECAB au niveau fiscal, au niveau du respect des conventions collectives, et par exemple de faire entrer l'IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales) dans l'entreprise. Cela n'a pas été fait. La CECAB, qui a clairement bafoué la déontologie du mouvement coopératif, a pu compter sur des administrateurs judiciaires efficaces: des malfaisants qui se payent sur la misère des gens pendant le redressement judiciaire.

Pour ma part, j'aurais voulu qu'une réappropriation de l'abattoir par les ouvriers puisse se faire, ainsi que notre avocat, Maître Brun, en avait formé le projet. Mais il n'y a pas eu d'adhésion générale du côté des équipes syndicales: les gens se demandaient si leur argent ne serait pas menacé dans un tel cas... L'individualisme est bien ancré dans les têtes.

 

Qu'en est-il de la situation actuelle des salariés licenciés à Lampaul Guimiliau?

 

850 salariés ont été licenciés. La majorité conteste les licenciements et adhère à une association d'ex-salariés de Gad qui les aide à faire valoir leurs droits: nous avons 600 adhésions à l'association pour 380 dossiers constitués. Les avocats sont très confiants tant d'un point de vue réussite que financier. Pour ce qui est du premier bilan du reclassement, il n'est pas aussi bon.

Pour des gens qui ont toujours travaillé dans la viande, la remise en cause psychologique est énorme. Le marché de l'emploi est quasi nul en Finistère. Pour beaucoup, la perspective, c'est de devoir travailler à plus de 100 km. A ma connaissance, une trentaine du salarié à retrouvé du boulot (CDI, CDD, intérim), une trentaine d'autres est partie travailler à Gad Josselin, mais je doute que Gad Josselin tienne longtemps car l'usine n'est pas adaptée à la nouvelle donne d'approvisionnement en cochons. Elle est incapable d'absorber la production de Prestor, dont le président, Guillaume Roué, qui était l'actionnaire minoritaire de GAD Lampaul, commence à manifester des signes de lassitude... Comme les éleveurs qui perdent de l'argent car les cochons engraissent trop...

Pour le reste des licenciés, qui ont accepté le CSP (le contrat de sécurisation professionnelle), la situation est plus délicate. Ces licenciés ne sont pas considérés comme des chômeurs mais comme des stagiaires de Pôle Emploi, ce qui permet de ne pas les comptabiliser dans les chiffres du chômage.

Pour leur plan de formation, Pôle Emploi sous-traite avec des cabinets de reclassement privés aux méthodes plus que douteuses.

Pour vous donner un exemple, je connais un jeune collègue motivé pour devenir grimpeur-élagueur qui avait besoin d'une formation d'élagueur et d'un permis remorque/ poids lourd. On lui a répondu: « vous n'obtiendrez certainement pas les deux »...

Tous les licenciés de GAD se voient confrontés à des changements d'interlocuteurs tout le temps: normalement, il y aurait dû avoir un référent, un formateur unique pour X salariés victimes du plan social, et pas plus, pour garantir efficacité du reclassement. Mais le recrutement dans ces boîtes se fait à la petite semaine. C'est du n'importe quoi! Le sous-préfet de Morlaix Mr Loos doit superviser tout cela et nous allons lui dire ce qui cloche... Pour l'instant, nous avons reçu une écoute très attentive de sa part et il a été soucieux d'éviter que les choses s'enveniment avec les forces de l'ordre pendant le conflit. Cela a permis d'éviter des épisodes comme ceux de Josselin ou de Rennes.

Le problème, pour beaucoup d'ex salariés, c'est que la cellule de reclassement a mis trop de temps à se mettre en route pour qu'ils puissent accéder à la formation de leur choix cette année, les formations durant souvent 8 mois. Or, à partir de novembre 2014, les salariés ne toucheront plus que 53% de leur salaire en indemnité.

Il reste également 25 élus du personnel non licenciés qui attendent la décision de l'inspection du travail qui nous a dit que tous les licenciements étaient illégaux en droit mais qu'il y avait la barrière de la chose jugée, puisque un juge du commerce avait donné son avis favorable vis à vis du plan de continuation de la CECAB. L'inspectrice du travail refusera les licenciements de ces 25 élus, dont je fais parti.

 

Que penses-tu du mouvement des Bonnets Rouges?

 

Je pense beaucoup de mal du mouvement des « benêts rouges »...

Beaucoup de salariés sans arrière-pensée politique se sont retrouvés dragués, endoctrinés par des représentants Bonnets Rouges, voire gros Bonnets Rouges, ceux du patronat breton: je pense par exemple à Mr Glon, qui a mis en place le label « Produit en Bretagne » et qui se trouve à la tête du think tank breton régionaliste de droite Locarn, un réseau d'influence qui rêve d'une Europe fédérale de la concurrence entre les régions. On voit ce que ça donne en Belgique: aujourd'hui, c'est tout pour les Flamands, rien pour la Wallonie, les premiers gouvernés par l'extrême-droite tandis que la Wallonie l'est par une gauche tiède et molle.

 

Quelles répercussions vois-tu à la crise de l'agro et au mouvement des Bonnets Rouges dans les mois et les années à venir?

 

Le discours ambiant des salariés perdus sans cause qui arborent les Bonnets Rouges, c'est « essayons Marine Le Pen ». On a plus grand chose à perdre. Même des salariés syndiqués s'apprêtent à voter Le Pen. Il faut dire qu'il y a tant de poison distillé par les médias, et une telle absence de perspectives. Le racisme progresse dans ces périodes de crise et de tension sociale. A partir du moment où on a su que l'entreprise était en difficulté, on a pu observer des querelles motivées par la xénophobie à l'abattoir, chose qu'on ne voyait jamais auparavant. Il est urgent de faire la démonstration que les idées du FN sont des impasses totales et qu'une gauche de courage est capable de changer le rapport de force au profit des salariés.

 

Tu es candidat de la liste du Front de Gauche à Morlaix? Pourquoi t'engages-tu en politique?

 

Après le conflit à GAD, je mesure bien les limites de l'engagement syndical pour changer les choses dans le fond et pas sur une seule bataille. Les dérives du dumping social, de la dérèglementation, les attaques contre les droits des salariés, la financiarisation de l'économie sont autant de décisions politiques néo-libérales et réactionnaires qui ont un impact majeur sur la vie des gens.

Dans le contexte actuel, je vois surtout le Front de Gauche résister à ces logiques et tenter d'en imposer de nouvelles, favorables aux droits des salariés et aux conquêtes sociales. On souhaite des élus pour légiférer.

En tant qu'anarcho-syndicaliste, je me suis posé la question de mon engagement sur une liste aux municipales. Mais c'est fondamental de faire avancer des mesures d'urgence pour sauver l'économie et l'emploi en Bretagne comme ailleurs en France.

Par exemple, nationaliser les banques. Ramener ces messieurs les banquiers à leur fonction première: le développement économique et non pas l'engraissement de la finance avec des transactions virtuelles. Il faut par exemple interdire la spéculation sur les céréales: des cargaisons de blé peuvent changer quatre fois d'acquéreurs sans bouger de place... C'est dans ce sens là que je me sens bridé en n'étant que syndicaliste.

Si le projet de la CECAB a abouti, c'est aussi la responsabilité d'une banque, le Crédit Agricole, qui est tellement liée à la CECAB que si elle coulait, tout le Crédit Agricole, morbihanais d'abord, breton ensuite, se serait trouvé dans les pires difficultés. Cela veut dire pour les particuliers: plus d'accès au crédit, plus de facilités de paiement. On aurait pu croire qu'avec la crise de l'agro-alimentaire breton, les banques coopératives et mutualistes aient des gestes « commerciaux » vis à vis des populations et des salariés ayant perdu leur gagne-pain. Il n'en est rien!!!

 

Propos recueillis par Ismaël Dupont.

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Albums Photos
Alternatives & Révolutions
Pages
TWITTER
jcS @Revocit

L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes - Karl Marx-gauchedegauche.canalblog.com .

http://gauchedegauche.canalblog.com

     
Publicité