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Alternatives & Révolutions
22 mars 2014

Comprendre Le Venezuela à la croisée des chemins

Comprendre

Le Venezuela à la croisée des chemins

 

 

 

Le gouvernement à l’initiative du dialogue 

Dès le lundi 24 février, Nicolas Maduro a pris l’initiative du dialogue, en invitant les gouverneurs et les maires des principales municipalités du pays à débattre de propositions pour la sortie de crise. Ce débat a été retransmis en direct à la télévision publique : les Vénézuéliens ont entre autres pu entendre deux gouverneurs de l’opposition s’exprimer longuement.

Mardi, le gouvernement a ensuite pris l’initiative d’une conférence nationale pour la paix. Tous les secteurs de la société ont été invités à s’exprimer : organisations populaires mais aussi représentants des différents confessions (catholiques, juifs, musulmans, évangélistes) et dirigeants des organisations patronales …Le gouvernement montre ainsi sa volonté d’être à l’écoute de tous les secteurs de la société vénézuelienne.

L’opposition persiste…et décline ? 

La MUD, plate-forme politique de l’opposition a choisi en grande majorité de boycotter ce rendez-vous de la conférence pour la paix, comprenant sans doute qu’en y participant elle risquait de ruiner sa propagande mensongère décrivant le pays comme une dictature

La manifestation de l’opposition ce jeudi 27 février à Caracas semble avoir été moins importante que les précédentes. Les exactions violentes se cantonnent également à un nombre réduit de municipalités, il semble que la contestation sous toutes ses formes soit entrée dans sa phase descendante. Il faut néanmoins rester prudent, d’autant qu’à la suite de Leopoldo Lopez, un autre dirigeant de la MUD, Carlos Vecchio, vient d’être appelé devant les tribunaux, notamment pour destructions de biens publics. De plus la protestation pourrait être plus longue dans des municipalités d’opposition où la police laisse des manifestants se livrer au vandalisme sans aucune réaction.

 

Polarisation et unité de la nationSi le moment actuel confirme la polarisation du pays, et le fait que cette division politique correspond très largement à des oppositions de classe, il confirme également que l’enjeu politique majeur au Venezuela est devenu pour les politiques l’incarnation d’une destinée nationale.

Le patriotisme et ses symboles : le drapeau et les trois couleurs qui s’affichent sur les casquettes ont à l’origine étaient à l’origine promus par les chavistes dans la perspective d’une seconde indépendance face à l’impérialisme états-unien, et face aux intérêts contraires à ceux du peuple de la bourgeoisie compradore vénézuélienne. Henrique Capriles, candidat de la MUD aux présidentielles, a habilement repris ces symboles depuis quelques années afin de ne plus apparaître comme le héraut d’une bourgeoisie apatride. A sa suite, les manifestants de l’opposition arborent aujourd’hui de nombreux drapeaux et casquettes tricolores.

On peut quelque part y voir ironiquement une victoire de Chavez qui a réussi à imposer la nation comme cadre de référence politique.  Ce processus s’initie sans doute avec l’approbation de la nouvelle Constitution de la République bolivarienne du Venezuela en 1999 par une grande majorité de Vénézuéliens : un moment politique où le peuple s’est constitué en tant que peuple au sens où l’entendait Rousseau dans le Contrat Social.

Pour autant cette référence à la nation que partagent désormais les Vénézuéliens bien plus qu’à aucun autre moment de l’histoire de ce jeune pays (apparu en tant que tel en 1830) ne saurait masquer les conceptions profondément différentes à la fois du futur que doit avoir la nation, et du cadre international dans lequel elle doit inscrire. Hugo Chavez a été l’un des grands artisans de l’intégration sud-américaine à travers la création d’organisations de coopération et d’échange comme l’ALBA ou la CELAC. Cette perspective d’unité politique latino-américaine n’est pas encore partagée par l’opposition, qui voit encore souvent Washington comme son premier partenaire et rêve d’accord de libre-échange, tels que ceux conclus par la droite colombienne qui ont déclenché une grève générale des paysans l’été dernier.

 

Un pays face à l’histoire 

De plus, l’opposition cultive volontiers une certaine amnésie face à l’histoire du pays, et pour cause elle est issue des deux forces qui ont gouverné de manière hégémonique de 1958 à 1998, ADECO et COPEI, imposant un système bipartiste finalement violemment rejeté par les Vénézuéliens, qui n’avait traité aucun des problèmes sociaux importants de la nation. L’histoire nationale est donc volontiers niée, jusque dans la dimension violente qui la marque dès l’origine. C’est pourquoi les modifications récentes des programmes d’histoire qui permettent aujourd’hui de comprendre l’extermination des autochtones lors de l’invasion espagnole sont violemment rejetés par la droite qui s’accroche aux récits dépassés de la rencontre entre deux mondes. De même, l’événement majeur du Caracazo  ( conjonction de Caracas et defracaso : catastrophe) est réduit à un moment de pillage contre la hausse du prix de l’essence. C’est faire fi de la complexité de cet événement : le 27 février 1989, les Vénézuéliens des barrios (quartiers populaires ) de Caracas manifestaient en masse contre le paquet de mesures néolibérales imposées par le gouvernement suivant les injonctions du FMI, dont une augmentation du prix de l’essence. Mais surtout, le contexte était celui d’une inflation trois fois plus importante qu’aujourd’hui, alors même qu’il n’existait aucune des nombreuses aides sociales et médicales qui ont depuis révolutionné la vie des Vénézuéliens. La répression féroce de ces manifestations se soldait par le décès de plus de 3000 personnes.

Cet événement était considéré comme Hugo Chavez comme le plus important de l’histoire du Venezuela contemporain. En effet, il condense à lui seul tous les problèmes profonds du pays, dont il ne faut pas nier que beaucoup existent encore aujourd’hui.  Il témoigne bien sûr d’une fragilité économique et sociale particulière, marquée par des différences de classe colossales. Il montre également que la classe politique d’avant le chavisme était indifférente au sort des classes populaires. Cette même classe politique n’avait d’ailleurs qu’un sens assez réduit de son appartenance nationale, tant elle était liée économiquement et idéologiquement aux Etats-Unis qui avaient entrepris de faire du Venezuela un de leurs pions depuis le boom du pétrole dans les années 1930.

Le président Nicolas Maduro a décrété ses jours-ci  2 jours de congés en mémoire du Caracazo il y a 25 ans. En commémorant  cet événement, il cherche à s’inscrire à son tour dans l’histoire nationale à la suite d’Hugo Chavez, et comme Chavez à se faire le passeur de cette histoire aux jeunes générations. Ces commémorations permettent aussi un parallèle entre les deux époques. La comparaison permet de mettre en miroir une violence d’Etat sanguinaire il y a 25 ans, et un maintien de l’ordre dans l’ensemble modéré aujourd’hui, même si de mauvaises pratiques subsistent chez certains policiers. De plus, il y a 25 ans la rente pétrolière était accaparée par une oligarchie, elle est aujourd’hui partagée : ce ne sont donc plus les mêmes classes sociales qui descendent dans la rue pour exprimer leur mécontentement.

En relançant cet arrimage permanent du projet politique contemporain à l’histoire nationale qui faisait l’une des forces de Chavez, Maduro cherche également à fortifier les rassemblements en faveur de la Révolution bolivarienne qui devraient culminer de manière massive lors du 5 mars, lorsque sera commémoré l’an 1 de la disparition du président Hugo Chavez.

 

 

 

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