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Alternatives & Révolutions
8 avril 2014

PCF:Seine-Saint-Denis:la chute (R.Martelli)

PCF en Seine-Saint-Denis : la chute

 

 

Par Roger Martelli3 avril 2014
 

Dans le si médiatique 93, les élections municipales ont accentué le délitement de la banlieue rouge avec de nouvelles pertes de mairies communistes et apparentées. Retour en chiffres et dans l’histoire, avec une carte animée du département 2008-2014, un rapport de 2004 et un jeu de données.

Entre 2008 et 2014, le PCF a perdu six villes en Seine-Saint-Denis (Bagnolet, Blanc-Mesnil, Bobigny, Saint-Ouen, Sevran, Villepinte) et en a gagné deux (Aubervilliers, Montreuil). En 1977, les municipalités administraient près de 80 % de la population départementale ; elles n’en administrent plus que 26 %.

[cliquez sur l’animation pour l’agrandir]

GIF

Le nouveau recul s’inscrit dans une évolution de longue durée, qui a commencé en 1983. Quand le département se constitue, dans la seconde moitié des années 1960, l’hégémonie communiste est totale : en 1978, les sept députés du département sont tous communistes. Cela ne tient pas au hasard. Quand le pouvoir gaulliste redécoupe les départements de la Région parisienne, il s’attache à concentrer et à isoler dans un même territoire le cœur de la "banlieue rouge".

L’évolution électorale de la Seine-Saint-Denis

Nous en sommes bien loin aujourd’hui. Par comparaison, le département du Val-de-Marne, où le face-à-face de la droite et du PCF est vigoureux dès la création du département, a mieux résisté que la Seine-Saint-Denis : les communistes administraient moins de 50 % de la population val-de-marnaise en 1977 et encore 34 % en 2014.

Pourquoi cette particularité ? Dès les années 1980, Paul Chemetov écrivait à Georges Valbon pour lui suggérer des réflexions et propositions pour Bobigny et la Seine-Saint-Denis. Il prenait ainsi part à la réflexion sur la Région parisienne qui commençait à se structurer, alors autour de "Banlieue 89". Paul Chemetov a eu la gentillesse de nous donner une copie de cette lettre qui est restée sans suite.

En 2004, j’ai réalisé un rapport sur l’évolution électorale de la Seine-Saint-Denis. Il avait été alors commandé par la fédération du PCF de la Seine-Saint-Denis. Il n’a fait alors l’objet d’aucune réflexion collective. À la relecture, on peut penser que c’est dommage. Un grand nombre de fragilités structurelles qui menaçaient l’implantation communiste y étaient décrites. Et quelques suggestions y étaient formulées, de façon très générale, pour une relance possible. Ce rapport était accompagné d’un important volume de données, éclairant l’évolution sociodémographique et sociopolitique du département.

Nous mettons ce rapport et ces données (voir les documents ci-dessous) à la disposition de celles et ceux qui s’intéressent à l’histoire récente et à la vie de ce territoire attachant, caractéristique de l’évolution urbaine contemporaine. Il s’agit d’un rapport daté (2004), à un moment où les communistes étaient encore à la tête de l’institution départementale. Les données n’y sont donc pas à jour, et certaines formulations prospectives paraissent optimistes. Il est vrai que ce rapport d’analyse se voulait aussi une aide pour l’action.

Il partait du constat d’un département autrefois plutôt homogène, que l’évolution urbaine et la crise ont peu à peu déstructuré. Le processus de désagrégation, que cela soit juste ou non, pouvait être imputé à la force politique localement dominante, donc au PCF. Cette imputation défavorable était alors d’autant plus préoccupante que les bases communales de l’implantation communiste étaient fragilisées dans un grand nombre de communes, dont la typologie est esquissée.

Trois grands enjeux territoriaux

Le rapport, sans être alarmiste et fataliste, ne cachait donc pas les risques d’une déstabilisation maximale du fait communiste séquano-dionysien. Celle-ci profita d’abord à la droite, au début des années 1980, puis au PS à partir des années 1990, jusqu’à ce que la droite reprenne la main aujourd’hui.

Les recommandations suggérées portaient à la fois sur l’action publique et sur l’activité proprement politique. Il était ainsi proposé une dynamique politique nouvelle, alors que n’existait pas encore le Front de gauche. Cette dynamique tournait autour de trois grands axes : préciser les grandes lignes d’une ambition communiste départementale ; construire un mode de rassemblement cohérent, qui puisse permettre à des formations politiques, syndicales, associatives, et aux citoyens en général de participer ensemble à la construction de perspectives politiques départementales ; concevoir l’outil communiste qui soit à même de reconstruire du sens politique commun.

Il énonçait enfin trois grands enjeux territoriaux, autour desquels se noue la crédibilité de toute construction politique départementale. Le premier portait sur la gestion collective de la question de la petite couronne, pour ne pas laisser chaque territoire communal seul face au risque d’attraction parisienne. Le second consistait à raccorder le développement des trois pôles de développement excentrés (Plaine de France, Roissy, Marne-la-Vallée) à un projet départemental de développement, pour éviter la polarisation croissante du département. Le troisième portait sur la nécessité de repenser le centre du département, à l’écart des pôles de développement. Il n’est pas indifférent de noter que c’est ce centre, loin des pôles, qui a viré massivement au "bleu" depuis 2001.

Nous citons ici la conclusion de ce rapport :

« Au total, l’analyse électorale confirme l’extrême fragilisation de l’impact communiste en Seine-Saint-Denis. Pour une part, elle apparaît comme le versant politique d’une évolution difficile du département lui-même. En même temps, cette évolution n’a rien d’une fatalité. La Seine-Saint-Denis, défavorisée par l’histoire récente, n’est pas qu’une terre du mal-vivre. Elle est un territoire vivant, populaire, qui ne manque pas d’atouts. Mais ces atouts ne peuvent se déployer, ils ne peuvent prendre du sens positif que s’ils se raccordent à des dynamiques innovantes, mariant justice et efficacité. Ni la logique destructrice du libéralisme, ni celle de l’accompagnement social-libéral ne sont à même de les fournir. Il y a donc une place pour une vision et une ambition différentes, que les communistes peuvent contribuer à faire mûrir. Encore faut-il qu’ils veillent à ne pas tenir pour acquise la constitution, à défaut du "bantoustan rouge" originel, de poches réduites d’influence vivant plus ou moins sur le souvenir d’un passé glorieux. Mais cela suppose une volonté commune, une mise en commun des singularités, la recherche plurielle d’un avenir partagé. »

Dix ans plus tard, les questions posées par ce document restent d’actualité. Il n’est donc pas trop tard pour s’atteler à y répondre.

P.-S.

Cela s’appelle un retard historique

Paul Chemetov a retrouvé dans ses archives une note adressée en son temps aux acteurs communistes de la région parisienne (la commission logement du PCF, Georges Valbon, qui est alors maire de Bobigny et président du Conseil général de Seine-Saint-Denis, ainsi que d’autres responsables.). Il réagissait à un article paru dans le bulletin des élus communistes de Bobigny. C’était en 1987. "Banlieue 89" était lancé. Et la question du Grand Paris était déjà en débat. Cette note est, elle aussi, restée sans suite.

PS : ce texte porte des traces de son temps. Il est aussi fait référence à un débat d’alors "faut-il encore construire des HLM ?" Paul Chemetov évoque une de ses positions de l’époque : conserver au logement populaire ses caractères et non les déguiser au risque d’un renchérissement et d’une perversion du logement social...

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