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Alternatives & Révolutions
10 novembre 2014

Socialistes Affligés : un manifeste Liêm

Socialistes Affligés : un manifeste

 

 

Liêm Hoang-Ngoc : “Manuel Valls
marche sur les terres conservatrices
de Nicolas Sarkozy”
 

Dans “La gauche ne doit pas mourir ! Manifeste des socialistes affligés”, Liêm Hoang-Ngoc, économiste et membre du bureau national du PS, alerte sur le risque de disparition du PS si il ne se remet pas en ordre d’ici 2017. Accompagné du politologue Philippe Marlière, il propose ainsi plusieurs solutions de sortie de crise de son parti.

Vous sortez La gauche ne doit pas mourir ! Manifeste des socialistes affligés, c’est une réponse directe aux déclarations de Manuel Valls de juin dernier ?

Liêm Hoang-Ngoc – Tout à fait, c’est une réponse directe à sa provocation. Il a voulu mettre de l’huile sur le feu et provoquer une crise en appliquant sa politique. Il fait tout aujourd’hui pour que la gauche, telle qu’elle a toujours existé dans ce pays, disparaisse. Son modèle, c’est le Parti démocrate à l’italienne. D’où ses appels du pied au centre et ses multiples provocations.

Manuel Valls avait déjà dit qu’il souhaitait changer le nom du PS en 2009 dans une tribune publiée dans le Financial Times et intitulé : ”Le PS doit changer ou mourir”…

Nous rappelons cet événement dans notre ouvrage. A l’époque, il s’était fait rappeler à l’ordre par Martine Aubry qui lui avait écrit dans un courrier : “Si le PS ne te convient pas, quitte-le !”

Rien n’a changé en cinq ans ?

Ce qui a changé, c’est que cet homme qui est minoritaire dans son propre camp,  qui ne représente pas plus de 5 % à la primaire socialiste (5,63 %, ndlr) a été installé par François Hollande, à l’occasion de deux défaites électorales : les européennes et les municipales. Il l’a été au mépris du message des électeurs qui se sont massivement abstenus. Aujourd’hui, quand vous rencontrez la plupart des électeurs de gauche, ils vous disent qu’ils ne voteront plus jamais socialiste. C’est un vrai problème, Hollande n’a pas entendu le message des urnes et il a nommé, au mépris de ce message, le Premier ministre le moins en phase possible avec son électorat.

Vous dénoncez aujourd’hui la gauche incarnée par le tandem Hollande-Valls ?

Ils sont même plus à droite que ce qu’a pu représenter Tony Blair en Angleterre lorsqu’il était au pouvoir. Manuel Valls marche aujourd’hui clairement sur les terres conservatrices de Nicolas Sarkozy.

Vous appelez de vos vœux, comme l’a aussi fait Gérard Filoche, à la constitution d’une “nébuleuse rose-rouge-vert”, en quoi consiste-t-elle ?

Avec Gérard Filoche, nous pensons qu’il existait, en 2012, une majorité pour nous permettre de mener une vraie politique de gauche, incarnée par les députés du Front de gauche, des Verts et du Parti socialiste. Elle aurait pu constituer le socle d’une politique progressiste sur laquelle le Président aurait pu s’appuyer. Malheureusement il ne l’a pas fait et aujourd’hui, on observe que les électeurs socialistes boudent les urnes. La crainte c’est de voir un PS finir à 10 % aux élections départementales, régionales et présidentielle en 2017 avec seulement 40 députés PS à l’Assemblée nationale. Ce qu’il restera de la gauche à ce moment-là, c’est cette nébuleuse où vous aurez du rose du rouge et du vert partageant les mêmes valeurs sur les domaines sociétaux, économiques et politiques. C’est le pari que nous faisons fait, que tous ces gens s’entendent pour reconstruire le parti après 2017.

En cas de non-qualification du PS au second tour de la présidentielle de 2017, le parti peut-il disparaître ?

Ce scénario est déjà écrit, le premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis l’a même déjà intériorisé. A chaque réunion des états généraux qu’il préside dans les fédérations socialistes, il avertit que le PS risque de se retrouver absent au second tour, derrière l’UMP et le FN. Culpabilisant au passage ceux qui voudraient critiquer un peu trop la ligne officielle du parti. C’est un fait, la gauche risque de disparaître du second tour de la présidentielle. Le cycle d’Epinay (en juin 1971 qui vit la prise de contrôle du PS par François Mitterand) touchera alors à sa fin.

Dans votre manifeste, vous évoquez trois scénarios possibles de sortie de crise de la gauche ?

Le premier, c’est un scénario où Manuel Valls l’emporterait et transformerait la gauche en Parti démocrate à l’italienne. Mais la base sociale pour cette stratégie n’est pas forcément évidente en France. Le centre est plus tourné vers la droite. Je ne vois pas avec qui Valls pourrait s’allier pour mettre en musique cette stratégie.

Les deux autres stratégies c’est, premièrement,  “l’hypothèse Marceau Pivert” (du nom du dirigeant du principal courant révolutionnaire au sein de la SFIO dans les années 30 – ndlr) où la gauche du parti arriverait à faire basculer le PS sur une autre ligne et ainsi pousser François Hollande à changer de cap d’ici 2017. Maintenant, il n’est pas acquis que le parti puisse basculer à gauche de la sorte, compte tenu des défections de nos militants qui pour bon nombre d’entre eux ont arrêté de renouveler leur carte tant ils sont affligés. Dans ces conditions, si le PS continue sur la même voie, l’aile gauche ne servira que de caution et de témoignage à un candidat qui finira en 2017 par n’être que le comptable du bilan du virage à droite du PS.

D’où notre troisième hypothèse, “Syriza”, du nom du parti grec qu’on aurait pu aussi appeler “hypothèse Podemos” (du nom du parti de gauche espagnol en passe de venir le premier parti du pays – ndlr). Une force alternative est en train d’émerger et de contester le pouvoir aux partis traditionnels.

On a du mal à y voir clair entre d’un côté les “frondeurs” et de l’autre votre club de réflexion, les “socialistes affligés” au sein du PS…

Les “frondeurs” sont les députés qui ont manifesté leur désaccord en s’abstenant du vote de confiance au gouvernement de Manuel Valls, puis lors du vote pour le projet de loi de finances rectificatives. Par contre les ministres qui ont quitté le gouvernement fin août ne sont absolument pas des frondeurs ! Ils sont allés “à la soupe” lorsque Manuel Valls a été nommé (le 31 mars 2014 – ndlr). Je rappelle que Benoît Hamon et Arnaud Montebourg ont contribué à la nomination de Manuel Valls et à l’éviction de Jean-Marc Ayrault qui posait à l’époque une vraie question : la question fiscale. Ni Hamon ni Montebourg ne s’attendaient à être débarqués aussi rapidement. Il y a un problème de cohérence, ils ne sont pas crédibles, dès lors qu’ils ont participé à un gouvernement qui a incarné le virage libéral du PS. Ils essayent de rebondir comme ils peuvent mais ça tue la crédibilité que pouvaient avoir les frondeurs et les militants PS qui auraient pu les suivre. Peut-être faudrait-il penser à donner la parole à la base, aux militants, à ceux qui collent les affiches ? C’est là l’idée de notre club. Que tout le monde puisse de nouveau se rassembler.

La porte est donc ouverte aux “frondeurs” ?

Absolument, ils sont pour le moment, jeu de rôle oblige, cantonné à leur unique expression à l’Assemblée nationale. S’ils s’expriment ailleurs, ils se font taper sur les doigts par le groupe parlementaire. C’est là qu’on se rend compte que la Ve République rencontre ses propres limites : c’est un système où le débat parlementaire est complètement muselé.

Vous appelez donc à une VIe République ?

Oui, j’ai signé l’appel pour un mouvement pour une VIe République car, justement, le débat parlementaire que pourrait engager la représentation nationale, quand l’exécutif se trompe, ne peut pas avoir lieu. Dans toute autre démocratie représentative, l’exécutif est au service de sa majorité. Ici, c’est la majorité qui est au service d’un seul homme. Et rien ne doit dépasser, sinon on provoque une crise dans le régime et on menace d’exclusion tous les parlementaires qui dérogeraient à la ligne.

Au sujet des militants, vous parlez dans votre livre, du “rêve qui a tourné au cauchemar” après l’élection de François Hollande en 2012. Où situez-vous cette bascule ?

Les électeurs et les militants se sont rendu compte d’un tournant après la deuxième conférence de presse de François Hollande, en janvier 2014, lorsqu’il annonce le pacte de responsabilité et de solidarité. Il y avait eu un premier épisode, en novembre 2012, une semaine après la remise du rapport Gallois sur la compétitivité française. François Hollande fait alors une première conférence de presse pour annoncer ce pacte de compétitivité (le 13 novembre 2012 – ndlr). Lorsqu’on lit rétrospectivement l’histoire, on se rend compte que tout était prémédité, dès son arrivée au pouvoir en mai 2012. Le rapport Gallois avait été commandé dès juillet 2012 pour le mois de novembre de la même année.

Pierre Gattaz, le patron du Medef, qui se vante d’en être à l’origine, ça doit être dur à avaler pour la base militante du PS ?

Quand on suit de près ce qu’il s’est passé, on voit bien qu’il y a eu un accord entre le Medef et le gouvernement. Le gouvernement entendait incarner la ligne social-libérale dans laquelle la flexi-sécurité occupait une place centrale. Il tenait absolument à promouvoir l’accord national interprofessionnel, l’ANI et donc à avoir les syndicats, notamment la CFDT, pour appuyer sa ligne. Pour cela, il fallait un accord entre ces syndicats et le Medef. L’accord a été que dans l’ANI, le code du travail reste orienté autour du CDI, sans contrat unique ni de flexibilité à outrance du marché de travail comme le réclamait le Medef qui a fini par accepter. Moyennant tout de même certains accords comme le maintien dans l’emploi, avec la possibilité de baisser le salaire et de moduler le temps de travail des salariés.

Ce sont quand même des avancées importantes pour le Medef. Il y a eu d’autres points sur lesquels les syndicats étaient sensibles comme les droits rechargeables à l’emploi. En contrepartie, le Medef a obtenu la promesse d’un allègement massif de ce qu’il appelle “les charges sociales”, de l’ordre de 50 milliards. Le Medef voulait 100 milliards au départ. En plaçant la barre aussi haut à l’époque, ils pensaient bien obtenir ces 50 milliards.

Avez-vous évoqué cela au Bureau national du PS à l’époque ?

Non et ce fut une surprise totale, y compris pour l’entourage de François Hollande. D’après ce que je sais, ils n’étaient pas préparés à un tel virage. Ça montre bien qu’un seul homme dans le Ve République peut décider d’une politique imposée à tout son camp. C’est d’autant plus problématique que le  parti, qui n’avait pas entériné ce virage, s’est mis ensuite à le justifier sans aucun débat interne, parce qu’ encore une fois la logique de la Ve République fait que le parti ne peut pas être en contradiction avec le Président.

Y a-t-il  une différence nette entre la politique économique menée par François Hollande et celle de son prédécesseur Nicolas Sarkozy ?

Si je faisais de la langue de bois, j’essaierais de trouver des mesures symboliques de gauche pour dire que ce n’est pas le cas. Malheureusement sur les questions économiques, la droite aurait rêvé de faire ce que l’on fait. La droite n’aurait jamais osé abaisser l’impôt sur les sociétés de 40 milliards. Il s’agit d’un crédit d’impôt mais c’est tout à fait équivalent. Le bouclier fiscal pour les riches, c’était 600 millions. La droite n’a jamais osé réduire la dépense publique et sociale de 21 milliards en une année. La révision générale des politiques publiques avait coûté 500 millions d’euros. Si la droite revient au pouvoir, les vannes ouvertes par Manuel Valls et François Hollande lui permettront d’achever son agenda néoconservateur sans aucune résistance.

Vous sortez donc votre manifeste, quelle est la prochaine étape de votre think tank ?

Nous allons organiser des débats publics dans tous les départements où les gens qui ne veulent pas renoncer puissent se retrouver. Nous voulons préparer la suite. Aujourd’hui la gauche va dans le mur et doit se reconstruire. Elle le fera avec des militants qui viennent du PS, des Verts et ou la gauche radicale. Il faut créer des espaces pour que ces gens puissent se retrouver sur des combats économiques, sociaux et sociétaux, qu’ils puissent parler progressivement le même langage.

On a l’impression que vous n’avez quasiment aucun soutien aussi du PS, qu’en est-il ?

Dans les fédérations dans lesquelles je suis invité, parmi ce qu’il reste de militants, une bonne partie reste sensible à ce que l’on raconte. Comment mesure-t-on les rapports de force au sein d’un parti ? Dans un congrès. Le problème c’est qu’il devait avoir eu lieu ces jours-ci,  si on se réfère aux statuts du parti.Mais aucune nouvelle pour le moment. Dans le débat politique, pour avoir la parole, vous devez obtenir la légitimité du suffrage universel, c’est pour ça que les frondeurs sont audibles. Mais pour combien de temps ?  On ne sait plus vraiment ce que représente l’actuelle direction du PS, ni chez les militant ni dans la société.

Vous n’envisagez pas de quitter le PS ?

Non, c’est pour ça qu’on insisté sur le mot “socialiste” dans le nom de notre club. On veut représenter une balise pour tous les électeurs socialistes qui ne se retrouvent plus dans le discours du parti mais qui pour autant ne vont pas au Front de gauche ni chez les Verts. Ces gens sont orphelins d’un vrai discours socialiste. A nous de le réhabiliter. Après, la question de déterminer qui portera le mieux ce discours, un nouveau PS ou un autre parti type Syriza ou Podemos, ça reste à définir. Nous sommes à disposition de ceux qui auront la bonne volonté de reconstruire la gauche.

Propos recueillis par Julien Rebucci

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La gauche ne doit pas mourir !, Manifeste des socialistes affligés, de Liêm Hoang Ngoc et Philippe Marlière, Paris, 2014.

 

 

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