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Alternatives & Révolutions
22 août 2016

SACRIFIER IGLESIAS POUR SAUVER PODEMOS ?

Regards

Loïc Le Clerc

Sacrifier Iglesias pour sauver Podemos ?

 

Après deux élections législatives sans issue, Podemos s’essouffle. Alliance avec les communistes, main tendue vers les socialistes, réorientation du discours, omnipotence de Pablo Iglesias… les débats internes s’intensifient et le temps presse.

 

Après avoir mis à mal le bipartisme aux législatives du 20 décembre 2015, Podemos n’a pas su doubler la mise lors des nouvelles élections du 26 juin dernier. La partie n’est toutefois pas terminée. Le 30 août, le PP tentera une nouvelle fois de gouverner avec le concours de Ciudadanos mais cette alliance serait encore trop courte de sept sièges pour obtenir la majorité. Seule issue pour la droite : que le PSOE s’abstienne lors du vote d’investiture et la laisse ainsi gouverner en minorité, ou pire, qu’il rejoigne cette coalition.

Où se positionner sur l’échiquier ?

Troisième force politique du royaume d’Espagne, Podemos, malgré son alliance entre les deux élections avec Izquierda Unida (IU, écolo-communistes), n’a pas réussi son pari de surpasser les socialistes. Et pendant ce temps, Pablo Iglesias et consorts se retrouvent en position de hors-jeu politique, spectateurs du bal des prétendants. Des nouvelles élections législatives étant envisageables – elles pourraient tomber le 25 décembre faute d’investiture –, il faut s’y préparer. Quelles leçons de ses deux premières élections nationales Podemos peut-il tirer ? Et comment faire mieux la prochaine fois ?

Que faire d’Unidos Podemos (UP), cette alliance entre IU d’un côté et Podemos et ses alliés régionaux de l’autre ? La loi électorale espagnole défavorise les petits partis, mais sur les deux élections, Podemos + IU = 71 sièges, alors que leur fusion devait les faire progresser. La différence se joue sur l’abstention : +1,2 million d’électeurs entre les deux élections. Et comme UP a potentiellement perdu un million de voix, Carolina Bescansa, à la direction de Podemos, en conclut que les électeurs « sont restés à la maison ». Pour Pablo Iglesias, si ces électeurs avaient pu voter pour Podemos en décembre par « sympathie », en juin, ils ont eu peur de la victoire, « peur de la nouveauté », analyse-t-il.


Se tourner vers sa gauche n’aura fait que maintenir au même niveau Podemos, qui consolide une base de cinq millions d’électeurs. Mais ces résultats amènent à questionner la pertinence de cette "stratégie du front de gauche", alors que jusqu’à ces dernières élections, Podemos excluait un quelconque rapprochement avec IU. Comme le soulignait alors Christophe Barret, historien et auteur de Podemos. Pour une autre Europesur Mémoire des luttes : « Le communisme l’emporte-t-il désormais sur le péronisme au sein de Podemos ? (…) Outre le triomphe de la "forme parti", c’est en effet au retour à une dichotomie gauche/droite que nous assistons. »

Iglesias, coupable idéal

Paradoxalement, en s’alliant avec les communistes, Podemos a "social-démocratisé" ses propositions politiques et ouvert la voie à un "gouvernement de changement" avec les socialistes. Une alliance honnie depuis toujours par les Indignés, le PSOE (et même IU pour certains) faisant partie de la "caste". Or, tout ce qui avait permis la réussite fulgurante de Podemos jusqu’à présent relève d’une démarche opposée, à savoir : se positionner par rapport à l’axe peuple / caste, laisser les références de la gauche à l’histoire afin de supplanter toute la gauche, socialiste et communiste. En quittant la stratégie du "populisme de gauche" théorisée par Chantal Mouffe et Ernesto Laclau, Podemos ne pouvait que perdre la bataille pour l’hégémonie culturelle, chère à Gramsci. Ou, pour reprendre les mots du journaliste Javier Gallego : « Podemos a pris peur de Podemos ». Le responsable semble tout trouvé : Pablo Iglesias.

Il est en effet aisé de tout mettre sur le dos d’Iglesias. Sa stratégie était la suivante : profiter de la dynamique impulsée par le 15M (dit "mouvement des Indignés"), les cercles et les bons résultats aux élections européennes et locales pour centraliser le pouvoir afin de faire de Podemos une machine de guerre électorale. Mais la guerre-éclair est devenu guerre de positions. Alors, deux contre-propositions sont émises à l’encontre d’Iglesias : celle d’Iñigo Errejón, numéro 2 de Podemos, qui prône l’utilisation d’un discours centralisé et universel, le "signifiant vide" de Laclau, censé unifier le peuple en une même entité politique, tout en ouvrant la voie à un accord avec le PSOE plutôt qu’avec IU.

Deuxième option : celle des membres d’Anticapitalistas (ex-Izquierda Anticapitalista, intégré dans Podemos à sa fondation) comme Teresa Rodríguez ou l’eurodéputé Miguel Urbán. Eux misent sur un retour aux cercles et aux préceptes du 15M, radicalement ancrés à gauche et pour lesquels le PSOE reste un parti de la "caste", donc infréquentable. Ils voient dans l’alliance avec IU une aubaine pour refonder Podemos avec l’espoir que, cette fois-ci, leurs positions horizontalistes pèseront plus dans la balance.

Le péché originel de Podemos

Récemment, le très populaire Pablo Echenique (plutôt proche d’Anticapitalistas), a été nommé par Iglesias pour remplacer le numéro 3 du parti Sergio Pascual, un proche d’Errejón. Cette option conforte la tactique d’Iglesias : changer le système en investissant ses lieux de pouvoir – avec le parti et les élections comme principaux canaux – tout en ménageant l’opposition interne. Malgré tout, Pablo Iglesias reste le seul « à même d’établir un lien comme aucun avec ceux et celles d’en bas »aux dires de deux leaders d’Anticapitalistas. Mais ce « césarisme progressiste », continuent-ils en citant Gramsci, est fragile : « Le modèle gagnant qui a été adopté, curieusement, se retourne contre ceux qui l’ont façonné ». Surtout que personne ne semble avoir ni les capacités ni la volonté de remplacer Iglesias.

L’inconnue est désormais la suivante : est-ce qu’un leader ultra-charismatique et populaire, pris dans un engrenage rigide et autoritaire qu’il a lui-même conçu, peut redonner du pouvoir à la base du parti ? Ce qui est sûr, c’est qu’Iglesias aura tout autant besoin d’Anticapitalistas pour rester actif sur le terrain que d’Errejón pour théoriser dans les hautes sphères de Podemos.

Verticalité contre horizontalité. Pragmatisme contre hégémonie. Toutes ces questions, tous ces débats tiraillent Podemos depuis ses débuts. Les différentes tendances jouent pleinement le rapport de forces, avec le risque que le parti ne finisse par éclater. Comme le commente le journaliste Gumersindo Lafuente sur El Diario : « Soit Podemos conserve sa transversalité et sa fraîcheur de mouvement critique, soit il deviendra une pièce du puzzle tant décrié de la vieille politique ». Reste à trouver l’équilibre entre ces divergences internes et surtout à maintenir une stratégie claire. Car le citoyen n’aime ni le flou, ni le brouhaha.

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