Qui aurait misé sur lui il y a un an ? Bernie Sanders a créé la surprise : à dix jours de la fin des primaires, l’outsider de 74 ans est toujours dans la course à l’investiture démocrate. Et il ne renonce pas. Pourtant, il est loin derrière Hillary Clinton : sur les 4 763 délégués démocrates en jeu, il n’en a remporté que 1 497, contre 1 773 pour sa rivale.

Mais les dernières primaires, le 17 mai, ont redonné espoir à Bernie Sanders. Alors qu’il était au coude à coude avec Hillary Clinton dans l’Etat du Kentucky, il s’est imposé avec une large avance dans l’Oregon, rassemblant 53% des voix. Des résultats qui l’encouragent même à déclarer dans la foulée : «Nous resterons en course jusqu’au dernier bulletin de vote !»

 

Deux points d’écart entre les deux candidats démocrates

Le 7 juin prochain, la Californie, Etat américain le plus peuplé, accueillera les primaires des deux camps. Côté démocrate, l’avance d’Hillary Clinton s’y est évaporée : alors qu’elle devançait Bernie Sanders de 7 points en mars, elle ne le dépasse plus que de deux points d’après un sondage du Public Policy Institute of California sorti le 25 mai dernier. D’après Lauric Henneton, maître de conférences à l’Université de Versailles et spécialiste de la politique américaine, «tous les scénarios sont ouverts : Sanders pourrait gagner, mais il pourrait aussi perdre et abandonner après la Californie».

D’autres ont renoncé avant lui : Howard Dean en 2004, Hillary Clinton en 2008. Pour Lauric Henneton, c’est l’option la plus probable. «Si Sanders se présentait comme candidat indépendant contre Clinton, il ferait élire Trump. Il va donc plutôt se ranger derrière Clinton pour faire barrage au républicain. Mais la virulence de Sanders à l’égard de Clinton me fait penser qu’il ne se rangera pas sans réserve derrière elle. Il exigera d’avoir un certain nombre de délégués pour influencer le programme.» Une négociation qui se jouera en coulisses.

 

«Depuis les années 70, il y a toujours eu des Sanders»

En France, Bernie Sanders est perçu comme un phénomène politique nouveau. A tort, martèle Lauric Henneton : «Il y a toujours eu un certain nombre de candidats dissidents dans les primaires américaines, c’est tout à fait classique. Le fait que ce soit une candidature plus à gauche que Clinton, c’est classique aussi. Depuis les années 70, il y a toujours eu des Sanders.» Des candidats à la marge du parti, comme Gary Hart en 1984, Jesse Jackson dans les années 80 ou Howard Dean en 2004.

Bernie Sanders se distingue surtout par son endurance : il s’accroche, et égratigne régulièrement l’autre candidate démocrate, Hillary Clinton, grande favorite au début des primaires. «Ce qui fait qu’on se focalise sur Sanders c’est aussi qu’en France, on suit beaucoup plus au jour le jour ce qu’il se passe aux États-Unis», rappelle Lauric Henneton. «Avant, c’était très compliqué de suivre les élections américaines. Maintenant, il y a des journalistes sur le terrain, la couverture médiatique a beaucoup changé. En somme, le prisme a changé, davantage que les Etats-Unis n’ont changé.»

Duels entre populistes et modernistes

Le duel féroce auquel se livrent Hillary Clinton et Bernie Sanders n’aura pas de conséquences sur le parti démocrate, selon le politologue. «Il y avait déjà des tensions à propos de la guerre du Vietnam en 1972, des duels entre plus populistes et plus modernistes dans les années 80, Howard Dean contre John Kerry en 2004. Il y a toujours des négociations dans les partis, parce que ce sont de grandes coalitions qui sont tiraillées entre différents pôles. Le duel entre Sanders et Clinton n’aura donc aucune conséquence à long terme sur le parti.»

Mais la dynamique lancée par Bernie Sanders aura d’autres conséquences. Dans son sillon, il a réussi à attirer une partie des Américains dépolitisés. Ceux qui étaient hors du jeu politique, essentiellement des jeunes, entre 18 et 30 ans. «C’est la même chose avec Trump. Tous les deux, ils ont fait voter des gens qui ne croyaient plus au système. Et si ces nouveaux électeurs prennent l’habitude de voter, ça peut être utile ; peu importe pour qui ils votent, pourvu qu’ils votent.»

Mégane De Amorim