Ukraine Faire pression sur ses “amis” La crise

Ukraine

Faire pression sur ses “amis”

La crise ukrainienne agit sur nous comme un retour de l’histoire. Cha- cun retrouve ses vieilles (et mauvaises) habitudes binaires. Les choses sont pourtant trop compliquées pour se laisser aller à ce réflexe. Les Ukrainiens, qu’ils soient de Kiev ou de Donetsk, paient d’abord la légè- reté des Occidentaux. Les Européens, en particulier, n’ont pas semblé un seul instant prendre conscience de la complexité sociale et culturelle du pays. Ils ont jubilé au spectacle de la place Maïdan, plaisant en effet - du moins dans sa première phase - mais qu’il aurait fallu accompagner d’un discours à l’attention de ceux de l’Est, et de la Russie. Cette irresponsabilité est venue aggraver des fautes plus anciennes, et la hâte obscène à faire tomber l’espace ex-soviétique dans le giron de la finance. C’est l’histoire des deux dernières décennies qui revient en boomerang. Mais la faute historique des Occidentaux ne doit pas conduire à emboîter le pas à la propagande de Vladimir Poutine. Non, la révo- lution de la place Maïdan n’est pas «fasciste». Non, nous n’avons pas affaire à un remake de la Deuxième Guerre mondiale entre résistance soviétique et na- zisme. Il faut dire que ce discours est épouvantable parce qu’il réveille au plus profond de la population du Donbass des peurs et des haines irrépressibles.
Jusqu’ici, le climat instauré par Poutine rendait difficile la solution que lui-même préconisait : une fédéralisation de l’Ukraine qui assurerait aux uns une forme d’autonomie par rapport au pouvoir de Kiev et aux autres la garantie qu’il ne s’agira pas d’une étape vers le démantèlement du pays. Mais le Président russe vient de proposer une ouverture en reconnaissant la légitimité de l’élec- tion présidentielle du 25 mai et en renonçant (provisoirement ?) à un réfé- rendum sécessionniste dans l’Est du pays. Nouvelle manœuvre ou tentative d’apaisement ? La réponse à cette question résidera dans sa détermination à démobiliser les miliciens cagoulés qui tiennent les lieux publics à Slaviantsk et ailleurs. Quant aux Européens, ils doivent saisir l’occasion et faire pression sur Kiev pour donner à la Russie les garanties qu’on n’a pas su lui donner auparavant. Bref, chacun doit faire pression sur ses «amis», plutôt que sur ceux d’en face.

● Denis Sieffert, directeur de Politis